
Il est temps d'interpeller les patrons !
Face à la montée des prix de l’énergie et de l’inflation, les patrons sont de plus en plus alarmistes.
Pourtant, la situation n’est pas la même pour toutes les entreprises. Les marges bénéficiaires sont historiquement élevées ce qui veut dire que beaucoup d’entreprises peuvent encaisser sans trop de problèmes. En particulier, les entreprises avec un fort pouvoir de marché transfèrent les hausses de prix sur les consommateurs (ou parfois leur fournisseurs).
De plus, même si on est face à une crise, elle est temporaire. Ainsi, une enquête récente montre que quasi la moitié des entreprises pensent à engager. Cela montre bien que la situation n’est pas si désespérée que ça et surtout que les entreprises voient la crise comme passagère. Beaucoup d’entreprises ont fait de gros bénéfices les dernières années, elles ont donc les moyens d’encaisser une ou deux années plus difficiles.
On est dans un contexte économique difficile, mais les situations sont variées et certains ont les moyens de faire face sans nous faire avaler n’importe quoi. Il faut donc prendre le temps d’objectiver la situation. Vous avez la possibilité d’interroger les employeurs en CE ou CPPT dans le cadre des informations économiques et sociales périodiques (par trimestre) ou occasionnelles (situation qui affecte l’évolution de l’entreprise).
Voici quelques éléments auxquels prêter attention :
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1) Faire un diagnostic : Quel est la part du cout de l’énergie (chauffage et électricité) dans les coûts totaux de l’entreprise et comment évolue-t-elle ?
- Cela se trouve dans le compte 61 service et bien divers. Vous pouvez demander que l’on vous donne le montant des frais de l’énergie depuis le début de l’année et ce que l’entreprise prévoit pour le futur proche. Demandez aussi que l’on vous donne les montants des années précédentes pour comparer. C’est aussi l’occasion de demander quel type de contrat votre entreprise a (certaines entreprises achètent leur énergie en gros ou à l’avance avec des prix fixes ou variables).
- En divisant ces montants par le total des charges (compte(60/66A)) cela vous donnera une idée de l’importance des coûts de l’énergie dans le total.
- Il est probable que ces montants seront en augmentation mais cela permettra de redimensionner/objectiver les enjeux.
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2) Évaluer la capacité de l’entreprise à faire face :
- Demandez que l’on vous présente la marge bénéficiaire attendue pour 2022 mais aussi sur les dernières années.
La marge fait la différence entre les prix de revient et de vente des produits, si elle était élevée par le passé, cela signifie que l’entreprise peut faire face à des hausses de couts sans pour autant perdre de l’argent. Tant qu’elle est positive, l’entreprise fait des bénéfices.
Si elle reste stable malgré les hausses du prix de l’énergie cela signifie que l’entreprise fait payer plus cher ses consommateurs et/ou qu’elle a bloqué les prix de ses fournisseurs.
- Demandez que l’on vous présente l’évolution des prix de vente et de revient.
- Regardez les réserves de l’entreprises (compte 13) et les bénéfices reportés (compte 14) cela donne une idée des réserves que l’entreprise a accumulés et dans lesquelles elle peut puiser au besoin.
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3) Mettre les choses en perspective : qui a les moyens de fournir un effort ?
La hausse des prix de l’énergie est – au moins en partie – temporaire. Les perspectives d’embauche à la hausse montrent bien que les patrons pensent que les choses vont se stabiliser.
De l’autre côté, les marges bénéficiaires ont été très élevées ces dernières années et beaucoup d’entreprises (et/ou les groupes dont elles font partie) ont fait des bénéfices, distribué des dividendes et payé bien voire très bien leurs directions et conseil d’administrations. Il faudra leur rappeler quand ils nous expliqueront que face à un moment difficile “on doit tous faire des efforts”.
Mettons donc la situation actuelle en contexte :
- Combien de bénéfices votre entreprises a-t-elle fait sur les 5 dernières années ? vous trouverez cette informations dans le compte 9904 des comptes annuels que vous recevez tous les ans. Vous pouvez aussi les retrouvez sur le site de la banque nationale : https://consult.cbso.nbb.be/ grâce au numéro d’entreprise. Combien ça fait par travailleur ?
- Votre entreprise a-t-elle distribué des dividendes dans le passé (compte 494) ? Les entreprises ne distribuent pas forcément des dividendes tous les ans, regardez les 5 dernières années par exemple. S’il y a des dividendes faites la somme. Pour donner du sens à ce chiffre vous pouvez le diviser par le nombre de travailleurs dans l’entreprise ou le comparer à la hausse du prix de l’énergie.
- Pour finir, si votre entreprise fait partie d’un groupe ou d’une holding, faites une rapide recherche google pour voir si ce groupe fait/a fait des bénéfices et/ou s’il distribue des bénéfices. En effet, comme vous le savez, l’argent circule dans les groupes de différentes façons et pas que via des bénéfices et des dividendes. Si le groupe fait de grosses marges, il peut soutenir ses entreprises et ses travailleurs...
C’est sûr, les employeurs répondront à nos questions en nous parlant de l’indexation et de nos salaires !
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Et les salaires dans tout ça ?
« On coute de plus en plus cher »... C’est faux !
L’indexation n’est pas une augmentation de salaire, elle nous protège – en partie seulement – contre la hausse des prix qui nous appauvrit. Dans la réalité, nos salaires diminuent car ils nous permettent d’acheter moins de choses.
Mettre « la perte de compétitivité » sur le dos des salaires est incorrect (et injuste). Ce sont les prix de l’énergie et le manque d’investissements qui font monter les prix, pas le salaires (qui ne font que suivre). Mettre coût du gaz, loyer et salaires sur le même pied, c’est oublier que c’est nous qui faisons tourner les entreprises et qui produisons la richesse.
Bien sur la situation est difficile, mais pour y faire face, il faut faire porter la charge aux épaules les plus larges. Il y a des bénéfices et des richesses dans (certaines) entreprises, qu’elles soient solidaires !