Préparer l'avenir dans la société
A côté de l’action syndicale à mener au sein de votre entreprise, une mobilisation est nécessaire pour promouvoir des politiques qui évitent que la (mauvaise) histoire se répète. There is an alternative !
Remettre les travailleurs au coeur du système économique
Une protection sociale élargie et refinancée
Rendre l'économie écologique
Refinancer l'Etat et les fonctions collectives
La situation actuelle représente tout autant une opportunité d’infléchir ou de renverser les structures du capitalisme néolibéral, qu’une immense menace de les confirmer et de voir se renforcer un état autoritaire et discriminant. Il importe, dès lors, de saisir cette opportunité pour construire un nouveau système socio-économique. Un système centré sur les intérêts des travailleurs. Un système fondé sur des valeurs de solidarité, d’égalité et de justice. Un système respectueux de l’environnement dans lequel il s’ancre. L’exact inverse du statu quo que ne manqueront pas de défendre les néo-libéraux et les intérêts qu’ils servent.
Remettre les travailleurs au cœur du système économique
Le confinement a mis plus que jamais en évidence que ce sont les travailleurs qui créent la richesse. Lorsque plus personne ne peut aller bosser, l’économie est à l’arrêt. La crise du Coronavirus souligne à quel point il est logique
que la richesse produite serve à rémunérer les travailleurs (votre salaire) plutôt que le capital. Elle remet sur le devant de la scène la question de la répartition des richesses : aujourd’hui en Belgique, lorsqu’une entreprise produit 100€, 59€ vont rémunérer les travailleurs et 41€ vont rémunérer le capital. Cette part de la richesse qui va aux salaires (59€ à l’heure actuelle), qu’on appelle la part salariale, diminue depuis les années 1980. Entre 1996 et 2018, elle a diminué de près de 3 points de pourcent de PIB. Cette diminution peut sembler minime à première vue mais il faut se rendre compte que ces points de pourcent représentent chacun environ 40 milliards d’euros. Chaque année, ce sont donc quelques milliards de plus que le capital s’accapare. Il est grand temps d’inverser la tendance et d’augmenter les salaires !
Mais plus encore, la crise a montré aux yeux du monde l’importance de certains métiers : aides-soignantes et infirmières, caissières, éboueurs, ouvrières du nettoyage, enseignants etc. Ces métiers sont souvent caractérisés par des conditions de travail précaires et des salaires trop bas. Ils son t d’ailleurs majoritairement occupés par des femmes. Améliorer de manière structurelle les conditions de travail de ces métiers et augmenter les salaires bruts des travailleurs et travailleuses de ces secteurs est une réelle nécessité. En Belgique, une loi (la loi de 1996 renforcée en 2017) restreint fortement l’augmentation des salaires au nom de la compétitivité des entreprises. De réelles augmentations salariales et d’amélioration des conditions de travail passent donc par une suppression de cette loi.
Une protection sociale élargie et refinancée
La crise du Coronavirus nous a aussi montré le rôle essentiel de la protection sociale. D’abord, parce qu’un système de soins de santé public, de qualité et accessible à tous apparaît maintenant comme une condition nécessaire pour lutter de manière efficace contre une telle pandémie. Ensuite, parce que le chômage temporaire a permis à plus d’un million de travailleurs d’éviter des pertes de revenu trop importantes. Le mythe « chômeur = profiteur » a volé en éclat.
Nous devons saisir cette opportunité pour faire de la protection sociale une réelle assurance solidaire pour tous. Un refinancement global de cette dernière est donc nécessaire. Il doit permettre d’élargir les droits et mieux rémunérer les travailleurs qui travaillent dans les secteurs financés par la protection sociale (Soins de santé et Soins aux personnes notamment). Des pistes existent ! Pour l’instant, la protection sociale est financée à 65% par nos salaires (via les cotisations sociales personnelles et patronales) et à 35% par les taxes et impôts (TVA, précompte professionnel, etc.). On remarque que le capital est le grand absent des contributeurs. Un refinancement de la protection sociale passe donc par une contribution du capital.
Une seconde façon de la refinancer est d’augmenter le montant total des cotisations sociales : en supprimant les possibilités d’optimisations salariales afin que toute forme de salaire soit payée en brut ; en augmentant les salaires des travailleurs ; en arrêtant d’accorder de nouvelles réductions de cotisations sociales. Voilà autant de pistes pour assurer une protection sociale digne de ce nom !
Rendre l’économie écologique
Le thème de l’environnement avait fait une percée avant la pandémie. Pris à partie par les manifestants du climat, les politiciens affichaient leurs bonnes intentions. La nouvelle Commission européenne se fixait comme principale priorité un « Pacte vert européen ». Cette transition écologique de notre économie devrait logiquement s’accélérer à la suite de la crise actuelle. Celle-ci trouve son origine dans les déséquilibres écologiques, et constitue ce que certains ont appelé la première crise de l’Anthropocène.
La transmission d’un virus d’un animal sauvage (ici le pangolin ou la chauve-souris) à l’homme est rare. Elle devient plus probable quand l’homme surexploite la nature et que ces animaux sauvages se retrouvent sur des étals de marchés.
La crise nous confirme que notre économie est devenue dangereuse pour la nature mais aussi pour nous-mêmes. Ce message, il faut le défendre aujourd’hui encore plus fortement qu’hier. Car en ce moment, le but des gouvernements est de relancer l’économie le plus vite possible. Au risque de négliger une fois de trop la question écologique. Une telle attitude était possible il y a 40 ans. Elle ne l’est plus aujourd’hui. Il faut sauver les emplois et sauver la nature, pour nous sauver nous-mêmes. Pas question donc de relancer l’économie, sans en même temps la réorienter vers des productions compatibles avec notre avenir à long terme. Cela nous place devant des choix difficiles, comme celui de savoir s’il faut aider le secteur aérien et à quelles conditions. Au minimum, toute aide accordée doit être conditionnée à une amélioration environnementale et sociale des entreprises. Et l’Etat doit proposer un plan crédible de reconversion pour les travailleurs dont l’emploi est menacé par la transition.
Refinancer l’Etat et les fonctions collectives
Ce programme de réforme suppose un refinancement de l’Etat. Ce sera « la » question centrale des prochaines négociations gouvernementales. La hausse du déficit public - normale en période de crise - pousse déjà certains acteurs, la Commission européenne par exemple, à réclamer l’austérité. La CNE rejette catégoriquement ces discours. Nous n’avons pas oublié la seconde récession créée, après la crise financière de 2008, par les politiques d’austérité européennes. L’heure est à la dépense publique, non à l’austérité, pour sortir de la récession et investir dans la transition écologique.
Les progressistes doivent être offensifs et exiger un refinancement de l’Etat à l’aide de deux leviers. Le premier passe par l’obtention de marges budgétaires au sein des règles budgétaires européennes. Si la Belgique ne peut à elle seule changer ces règles, elle peut discuter de leur estimation. Actuellement, l’estimation de notre déficit structurel par la Commission est inexacte. Elle renforce la dynamique d’austérité. En refaisant les calculs, notre gouvernement obtiendrait de précieuses marges budgétaires. Deuxième levier, celui de la fiscalité. Il est devenu « tendance » pour les gouvernements de réformer la fiscalité pour appauvrir l’Etat. On l’a vu avec le Tax shift et la réforme de l’impôt des sociétés. Le but inavoué est d’organiser un sous-financement permanent de l’Etat qui se traduit ensuite par une baisse de l’investissement public et des coupes sombres dans la Sécurité sociale. Le sousfinancement de l’Etat va de pair avec un projet silencieux de marchandisation totale de la société, réduisant la Sécu, les Services publics et le secteur Non Marchand à peau de chagrin. Il faut donc réformer la fiscalité, mais en sens inverse, pour refinancer l’Etat et redistribuer les richesses entre les citoyens et entre les entreprises. Nous identifions trois moyens d’y parvenir : la création d’un impôt sur la fortune, la reconstruction de l’impôt des personnes physiques en vue de mettre à contribution les plus riches et le relèvement de l’impôt des sociétés. Comme l’ont dit certains dans le passé, il n’y a pas de civilisation humaine sans impôt. À l’heure de l’urgence sanitaire et écologique, cet avertissement n’a jamais sonné aussi fort.
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