In memoriam: Agnès Lasalle
Le lundi 20 février dernier, les vacances de détente débutent pour les élèves et les enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Une période de repos bien méritée à ce moment de l’année où les journées sont plus courtes que les nuits. Les plus privilégiés vont prendre la route du soleil. Le sud-ouest de la France peut-être, à la frontière de l’Espagne. Et pourquoi pas Saint-Jean-de-Luz, commune du pays basque située dans le département des Pyrénées-Atlantiques?
Ils sont loin de se douter qu’à cet endroit, presque au même moment, va se jouer un véritable drame qui va toucher le monde de l’école. Le mercredi 22 février 2023, Madame Agnès Lasalle dispense ses cours d’espagnol, comme elle le fait chaque jour depuis de nombreuses années, au Collège-Lycée Saint-Thomas d’Aquin. Elle ne sait pas, en débutant sa journée de travail, que ce sera la dernière. Et pour cause ; elle va être victime d’un acte de barbarie en étant poignardée de sans-froid. Ce crime n’est pas sans rappeler celui de Samuel Paty le 16 octobre 20201, à la seule différence que Mme Lasalle a été tuée par un de ses élèves, âgé de 16 ans.
Nous sommes en 2023 dans un pays «civilisé». Comment expliquer un tel acte de la part d’un adolescent? Certains mettront en avant le manque d’éducation, la perte de repères; d’autres, la société hyper-violente; d’autres encore, la banalisation… ou la conjonction de tous ces facteurs. Rien ne peut excuser un tel geste, même pas le jeune âge de celui qui l’a posé.
Depuis plusieurs années, la France connait un regain de crimes commis contre les enseignant·e·s. Chez nous, Dieu merci, nous n’avons pas encore connu ce genre de situation et nous espérons ne jamais y être confrontés. Et pourtant, la violence est chaque jour présente au sein des établissements scolaires, qu’elle soit physique ou verbale, qu’elle concerne les professeurs, les parents ou les élèves. Trop souvent, nos affilié·e·s nous contactent pour dénoncer des paroles ou des actes dont ils·elles sont les victimes. Ici, c’est le professeur qui est mis au pilori via les réseaux sociaux; là, c’est l’instituteur qui est pris à partie par des parents mécontents parce qu’on a fait une remarque à leur enfant… J’en passe et des meilleures.
Aucun chiffre n’est disponible, mais ces situations vont crescendo et participent au découragement des personnels, au fait qu’ils quittent la fonction (que ce soit par écartement ou par découragement), et accroissent la pénurie.
Il est grand temps de rappeler les règles élémentaires du savoir-vivre ensemble, du respect et de la tolérance; plus que des mots, ce sont des valeurs indispensables à la société en général et à l’Ecole en particulier. Sans ces valeurs, nous filons droit à la catastrophe.
Au moment où les réformes initiées par le Pacte pour un enseignement d’excellence s’enchainent à la vitesse de l’éclair, il en est qui ne peuvent plus souffrir d’aucun retard, celles qui concernent la mixité sociale, la qualité de vie à l’école, la démocratie scolaire. Peut-être aurait-il fallu commencer par celles-là ? Nous mettons nos responsables politiques au défi de les entamer le plus rapidement possible afin d’éviter des drames comme celui de Saint-Jean-de-Luz.
En attendant, nous invitons Madame la Ministre Désir à publier rapidement la circulaire promise qui rappellera aux enseignants qu’ils ont des droits et qu’ils sont protégés.
Dans ce numéro, nous témoignons notre solidarité à Divine, accueillante à l’école de Gentinnes, expulsée malgré sa parfaite intégration sociale. Nous faisons le point sur le PEQ2 et nous abordons la thématique des surprofits engendrés par certaines multinationales.
Je vous souhaite une bonne lecture de ce numéro.
Roland Lahaye
1 Samuel PATY, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine, assassiné par arme blanche et décapité le 16 octobre 2020. Cet assassinat fut qualifié d’attaque terroriste islamiste.
2 Parcours de l'enseignement qualifiant