Les culottées - Ces femmes qui ne font que ce qu'elles veulent

Qu’est ce qui relie Joséphine Baker, Delai Keley, ou encore Christine Jorgensen ? Ce sont toutes des femmes, déjà, mais surtout, elles n’en ont fait qu’à leur tête, prenant leur vie et leur destin en main. Et puis, elles sont dans « Culottées », la BD de Pénélope Bagieu.
La BD, un monde d’hommes ? De moins en moins, Dieu (encore un homme) merci ! Pendant longtemps, il n’y eut que la formidable Claire Bretécher, (lisezlà si vous ne la connaissez pas encore). En 2016, il y a un siècle donc (!), le festival de la BD d’Angoulème, the place to be du genre, proposait une présélection de 30 noms… exclusivement masculins. L’an dernier, elles étaient trois finalistes pour le grand prix, qui sera attribué à la Canadienne Julie Doucet pour Dirty Plotte. Les choses changent donc, mais tout doucettement.
Dans cette sélection, il y avait aussi Pénélope Bagieu. Tout d’abord illustratrice pour la pub, elle devient dessinatrice de presse. Elle décortique ensuite son quotidien dans un blog « Ma vie est tout à fait fascinante » jusqu’en 2016. Elle dessine ensuite « Culottées », qu’elle met en ligne sur le site du journal français Le Monde avant de les publier en album. Deux ans plus tard, elle reçoit le Prix Eisner de la meilleure édition américaine d'une œuvre internationale, l’une des plus prestigieuses distinctions de la bande dessinée, au festival Comic-Con de San Diego, (bien connu des fans de Big Bang Theory, celui-là même !).
Pénélope Bagieu est partie d’un constat simple : pour comprendre qu’elles peuvent tout faire comme elles veulent dans la vie, les filles ont besoin de modèles positifs. Mais voilà, l’histoire étant - le plus souvent - écrite par des hommes, ce sont rarement les femmes qui sont mises en avant. Qui connaît Naziq al-Abid qui combattit pour l’indépendance syrienne, ou la journaliste Nellie Bly qui se fit interner dans un asile psychiatrique pour y dénoncer les conditions de vie, avant de faire le tour du monde en 72 jours, félicitée par Jules Verne lui-même ? Ou encore Hedy Lamarr, actrice fabuleuse qui mit au point ce système de codage encore utilisé pour le wifi, la téléphonie mobile ou le bluetooth ? Dans chaque tome, une série de portraits, en quelques pages, dans un style graphique très épuré, comme un coup de projecteur qui donne furieusement envie d’en savoir plus. Ces portraits ont également été adaptés en 30 épisodes d’animation diffusés sur France 5 en 2020, avec la voix de Cécile de France.
« Le point commun à toutes ces femmes est la détermination dont elles ont dû faire preuve afin que les choses se passent non pas comme le voulait la pression environnante mais comme elles le voulaient, elles. Leur condition de femmes fait qu’elles sortent du lot car elles ont été confrontées à une adversité plus importante », explique la dessinatrice en janvier 2016 au Journal Le Monde. « Il ne faut pas avoir peur d’être désagréable et de tous les noms horribles qu’on nous donne, hystériques et toutes ces amabilités… Il faut renoncer à l’image qu’on s’était faite de nous, à ce qu’on pense qu’on attend de nous, être posées et gentilles. Le féminisme des jeunes filles d’aujourd’hui est très vindicatif, il n’a pas peur du conflit, là ou une partie de moi-même est programmée pour dire : je suis sûre qu’on peut y arriver en étant gentille. Elles ont raison, on a essayé autrement, et ça ne marche pas. »
Les femmes en ont marre d’être poliment fâchées, comme le dit Leyma Gbowee, encore une sacrée culottée…
Linda Léonard
Culottées, tome 1 et 2, 19 euros chez Gallimard; également en version poche, Folio, +-8 euros.
Les vidéos des culottées sont sur Facebook, cliquez ici