Actualité sociale
23/07/2025
L’édito de Felipe Van Keirsbilck, Secrétaire général de la CNE : "Charles-Yvan est sympa"

Alan Marchal
Dans son édito paru dans "Le Droit de l'Employé" de juin 2025, Felipe Van keirsbilck, Secrétaire général de la CNE, évoque les conséquences concrètes des mesures du gouvernement Arizona sur un couple de travailleur.
Pas étonnant que les gens aient voté pour lui ! Il est sympa, Charles-Yvan, gentil et toujours souriant. Pas comme Cristina, fâchée contre lui, sous prétexte qu’il l’a virée (gentiment) il y a 8 ans « tu comprends, tu es à nouveau enceinte, ça ne va pas aller. »
Fâchée aussi sur Eddy, son ex, qui a perdu son job de chauffeur routier il y a 10 ans et n’a jamais retrouvé un vrai boulot. Un intérim de temps en temps, c’est pas avec ça qu’il paiera les pensions alimentaires de la gamine. Eddy est lui aussi en colère ; « avec les chauffeurs de l’Est payés deux fois rien, dit-il, à 52 balais, je ne retrouverai jamais rien. Qu’on les foute dehors, ces polaks et bulgares qui m’ont piqué mon camion… »
Quand elle s’est fait virer, Cristina a retrouvé un boulot : 24h/semaine chez Delhaize. C’est pas assez, mais si elle est polie avec le gérant, il lui donne quelques heures en plus, en tardive ou le samedi. Mais elle en a plein le dos des horaires variables, de rentrer tard. Plein le dos d’Eddy. « Moi aussi j’ai mal au dos, râle Cristina, mais je bosse quand même ! J’en ai marre de tous ces chômeurs et de tous ces malades qui profitent sans rien foutre ! »
Son Delhaize a été franchisé, alors il faut faire plus de soirées qu’avant. Quand elle rentre tard et qu’elle trouve Flore devant la télé, elle est encore plus en colère. Contre Flore qui va à nouveau rater sa 2ème si elle ne s’y met pas. Et contre sa mère qui n’a jamais de temps pour lui donner un coup de main. « Quand je serai prépensionnée » promet-elle. Mais Cristina a vu les décisions du nouveau gouvernement : « Maman, avec tes années à temps partiel tu ne pourras plus ralentir avant 67 ans - Flore aura déjà 22 ans : ce sera trop tard pour m’aider, merde ! »
Donc elle est en colère tout le temps. Mais attendez demain ! Quand le gérant lui annoncera qu’il la vire, avec les 3 autres CDI qui restaient d’avant la franchise. « On bosse bien, toutes les quatre : comment ils pourraient nous remplacer !? »
+ PUBLICATION | Retrouvez cet édito dans notre "Droit de l'employé" de juin 2025
Charles-Yvan, maintenant au gouvernement, n’a plus beaucoup de temps. Mais il est toujours prêt à aider. Il n’a pas hésité à conseiller Adrien, son fils si doué pour les affaires, quand il l’a appelé car il a repris un Delhaize franchisé. « Je comprends, mon grand, ces employées en CDI coûtent trop cher. Tu sais que les flexijobs sont généralisés ? Et notre nouveau gouvernement permet à tous les ados de travailler à tiers-temps, toute l’année, dès 15 ans ? Et on vient de faire passer à la sauvette, sans consulter personne, l’exclusion des chômeurs ! Et de supprimer les prépensions. Génial, non ? »
Cristina n’en croira pas ses yeux, dans un an, quand elle retrouvera sa famille au complet dans son ex-Delhaize. Sa mère en flexijob, moitié moins chère qu’elle. Sa fille de 15 ans, 15h/semaine, 100% flexible. Son ex qui a dû accepter un job de livreur, super mal payé, mais il n’a plus eu le choix, quand il a été viré du chômage.
Le jeune gérant est venu la saluer. Il est comme son papa : toujours sympa. « Oh Cristina, content de te revoir ! Ici, ça marche super bien : je pourrai bientôt m’acheter un 2ème et un 3ème Delhaize. Et toi, ça va ? »
Ceci n’est pas une fatalité. Le gouvernement De Wever – Bouchez a tout intérêt à ce que nous nous détestions les uns les autres. Plus nous détesterons les chômeurs, les migrants, les malades, les homos… plus les affaires vont leur rapporter. Il n’y a jamais eu autant d’argent en Belgique, ni autant de dividendes distribués aux actionnaires. Les actions de vos syndicats depuis un an ont permis de parer certains coups et de démasquer certains mensonges. Nous sommes bien loin d’avoir empêché tous leurs méfaits, mais il est clair que si nous sommes très nombreux à crier notre colère, ensemble, on protégera une grande partie de nos droits. Donc on va continuer à dire la vérité, à manifester, à s’opposer à ces gouvernements qui ne sont au service que de la classe privilégiée et dominante.