Actualité sociale
17/06/2025
L'édito de Felipe Van Keirsbilck, Secrétaire général de la CNE: "Nous ne sommes pas en guerre!"

Alan Marchal
Dans son édito paru dans "Le Droit de l'Employé" de mai 2025, Felipe Van keirsbilck, Secrétaire général de la CNE, évoque le débat autour d'un potentiel déplacement de la guerre russo-ukrainienne en Europe.
Le gouvernement MR – NVA veut que nous soyons en guerre – ou que nous fassions tout, désormais, comme si nous étions en guerre. Pour les dépenses militaires, ils trouvent des milliards par miracle… Hier encore pourtant, avec des larmes de crocodiles, ils nous juraient qu’il n’y a plus un sou pour l’école, la santé, nos pensions… Mais nous ne sommes pas en guerre ! Nous ne voulons ni ne devons suivre ce chemin. Le peuple d’Ukraine subit la guerre, comme celui de Palestine et du Congo. Parler de "guerre" chez nous, comme De Wever et ses sbires, c’est manquer de respect aux victimes qui, dans ces 3 pays et dans bien d’autres, tremblent chaque jour de mourir sous les bombes ennemies !
Menaces ?
On nous dira : "Ok, nous ne sommes pas bombardés, mais nous sommes menacés ! Et nous avons le droit de nous défendre", et nous répondrons deux fois oui. Poutine est une menace, pas seulement militaire (cyberattaques, manipulations d’élections, attaques contre les femmes, les syndicalistes…). Mais c’est une menace parmi d’autres, nombreuses et immédiates. La route tue chaque année 500 personnes en Belgique ; la pollution des particules fines entre 5.000 et 7.000. Les seules inondations de mi-juillet 2021 ont fait 39 morts et des milliers de blessés – et les catastrophes se suivent de plus en plus en vite. Chaque semaine les accidents de travail tuent une personne, et provoquent 150 invalidités permanentes. Douze viols sont déclarés à la police chaque jour – mais le nombre réel de filles et de femmes violées doit approcher d’une centaine par jour. Les victimes des cyberattaques ou des fake news sont plus difficiles à compter ; mais quand un hôpital est paralysé 48h ça ne va pas sans conséquences. Et qui comptera les victimes de la pauvreté, si on sait par exemple qu’à Bruxelles 4 enfants sur 10 grandissent dans une situation de pauvreté ? Toutes ces menaces sont connues – comme sont connus les moyens de les diminuer beaucoup. Si la question était vraiment de « nous » défendre, pourquoi n’y avait-il jamais assez d’argent face à ces menaces-là ? Et pourquoi y en aura-t-il encore moins demain ? Alors qu’on va à nouveau jeter des milliards pour acquérir des bombardiers nucléaires qui ne nous protègeront de rien ?
+ PUBLICATION | Retrouvez cet édito dans notre "Droit de l'employé" de mai 2025
Emplois ?
On nous dira : "L’armement crée de l’emploi". Oui. Essentiellement aux USA, mais bon… Seulement, aménager les rivières, isoler les bâtiments, protéger les enfants, soigner les vieux, cela crée bien davantage d’emploi (environ 7 fois plus par euro dépensé). Saurez-vous deviner pourquoi un milliard donné aux fabricants de F35 est plus facile à trouver qu’un milliard donné aux crèches… ?
Nous ?
Face à une menace incertaine et que la diplomatie peut éloigner, mobilisation générale ! Face aux menaces qui tuent réellement nos enfants, nos proches, nos collègues, chaque jour et chaque année : indifférence cynique, coupes budgétaires, « y a pas de sous ». Devant cette contradiction apparente, il faut se demander ce que Bouchez, De Wever & C° veulent dire quand ils prétendent qu’il faut "nous" défendre. Qui nous ? Vous et moi, les employées de Cora, les familles de la classe qui doit travailler pour vivre ? Pas du tout. Ils parlent au nom de la classe qu’ils représentent : des hommes (très peu de femmes) ultra-riches, des multinationales. Ce "nous" là ne nous contient pas. Ne nous concerne pas. Nous sommes d’un autre Nous. Le monde du travail n’a jamais rien gagné à la guerre ni à ses ruineux préparatifs. Nos ennemis ne sont pas les travailleurs de l’autre côté d’une frontière. Nous voulons être défendus, défendre nos salaires et notre Sécu, et nous sommes prêts à lutter pour cela. Mais notre lutte doit combattre surtout ce qui (et ceux qui) nous menacent vraiment, chaque jour.