L'Union européenne vote une législation édulcorée sur le devoir de vigilance

Après deux ans de négociations, les États membres de l’UE ont finalement approuvé ce vendredi 15 mars une directive sur le devoir de vigilance des entreprises.
C'est fait ! Après de longs mois de négociations, l'Union européenne a finalement approuvé une directive sur le devoir de vigilance des entreprises afin que celles-ci identifient, préviennent et atténuent les risques liés entre autres aux droits de l'Homme, à la santé et à l'environnement.
La coalition Corporate Accountability*, coordonnée par le CNCD-11.11.11 et qui réunit les trois syndicats (dont la CSC) ainsi que de nombreuses organisations de la société civile, accueille avec soulagement l’adoption de cette législation attendue de longue date. Celle-ci marque un pas important vers une meilleure protection des droits humains et de l’environnement. La société civile est cependant indignée par le processus politique qui a précédé cette adoption, où l’absence du respect des règles démocratiques a considérablement affaibli ce texte d’une importance pourtant capitale.
Ladite directive, ou directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, impose aux grandes entreprises de prendre des mesures de précaution pour prévenir les violations des droits humains, les abus sociaux et les atteintes à l’environnement dans leurs chaînes de valeur transnationales. La directive vise également à permettre d’engager la responsabilité des entreprises en cas de manquement à leurs obligations. Elle permet ainsi aux victimes de ces abus, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE, d’accéder à la justice et à la réparation.
« Une mesure importante »
Les États membres de l’UE, le Parlement et la Commission étaient parvenus à un accord politique sur le texte à la fin de l’année 2023. Normalement, le vote du Conseil ne devait être qu’une formalité. Cependant, malgré le large soutien public dont bénéficie la directive, y compris de la part des entreprises, plusieurs États membres - l’Allemagne, la France et l’Italie en tête - ont formulé in extremis de nouvelles objections au texte, mettant en danger l’adoption de la directive. Faisant fi des règles démocratiques, ceux-ci ont bien failli enterrer la directive, malgré l’importance qu’elle représente.
« La bonne nouvelle, c’est que l’UE prend finalement une mesure importante pour tenir les grandes entreprises responsables des dommages qu’elles causent aux personnes et à la planète. Nous saluons les efforts entrepris par la Présidence belge de l’UE pour parvenir à cet accord », a déclaré Sophie Wintgens, chargée de recherche sur le commerce international au CNCD-11.11.11. « La mauvaise nouvelle, c’est que la pression des lobbies économiques conservateurs, couplée aux jeux politiques de bas étages de certains États membres ont considérablement affaibli le contenu du texte, qui ne contient plus que le strict minimum. »
Législation édulcorée
Au cours d’années de négociations entre les différentes institutions de l’UE, la législation proposée avait déjà été fortement édulcorée. Les États membres ont ainsi obtenu l’exemption d’obligations pour le secteur financier, l’action climatique exigée des entreprises est dérisoire et une série de normes environnementales et de droits humains se trouvent hors du champ d’application de la directive. En dernier recours, le champ d’application de la loi a également été limité aux très grandes entreprises (plus de 1.000 employés et un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros).
* Le groupe de travail belge « Corporate Accountability » est une coalition d’une vingtaine d’organisations de la société civile belge, dont les deux coupoles d’ONG 11.11.11 et CNCD-11.11.11, les trois syndicats belges (ACLVB-CGSLB, ACV-CSC, ABVV-FGTB) et diverses ONG et organisations de défense des droits humains et de l’environnement. Ensemble, ils plaident en faveur d’une législation efficace sur le devoir de vigilance aux niveaux international, européen et belge.
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