L'édito de Felipe Van Keirsbilck: "Quelle bonne année?"

En cette fin d'année 2024, Felipe Van Keirsbilck, Secrétaire général de la Centrale nationale des employés, partage son point de vue sur ce qui pourrait attendre les travailleurs et les travailleuses belges en 2025.
En cette fin décembre 2024, le (probable) futur gouvernement Arizona continue de négocier. Mais qu’est-ce qui a réuni De Wever et Bouchez? Une prophétie: il n’y a plus d’argent!
- Pourquoi vont-ils baisser les pensions, faire travailler jusqu’au bout les vieux et les malades ?
- Pourquoi vont-ils bloquer nos salaires ?
- Pourquoi ne vont-ils pas investir massivement dans les soins de santé alors que les soignants sont en train de crever ?
- Pourquoi vont-ils couper dans les transports en commun, dans l’enseignement et le social ?
On peut continuer durant des pages… Avec toujours la même réponse : "Il n’y a plus d’argent!"
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Faute de moyens, on devrait abandonner nos droits. Mais qui nous le demande? Entre autres, la secrétaire d’état au budget, Alexia Bertrand: 17ème fortune belge, sa famille possède environ 2 milliards (en dehors de ce qui est caché dans les paradis fiscaux). C’est beaucoup, ça ? Si vous mettez de côté 1.700€ chaque mois, vous égalerez Alexia dans 100.000 ans (pour Noël 102024 si tout va bien). Plus d’argent, vraiment?
Mais c’est peut-être un argument trop personnalisé? Peut-être est-ce juste par hasard si les milliardaires sont au pouvoir et nous disent de nous serrer la ceinture? D’accord: il faut se baser sur les chiffres sérieux. En voici deux.
La Belgique a dépassé cette année le cap de 50.000€ de PIB par habitant. Pour une famille de quatre personnes, cela revient à 17.000€ de richesses produites par mois. Ça devrait permettre de vivre, de bien financer les fonctions collectives et de préparer l’avenir, non? Vous me direz: oui, les chiffres augmentent, mais c’est à cause de l’inflation. Hors inflation, la richesse produite par habitant a augmenté de 45% depuis 30 ans. Votre famille vit-elle vraiment beaucoup mieux qu’en 1994?
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Second chiffre: l’administration fiscale estime le coût de la fraude fiscale, essentiellement le fait des multinationales et des grandes fortunes, à plus de 30 milliards d’euros par an. Bien plus que ce qu’il faudrait pour maintenir et renforcer nos droits à un bon emploi, une fin de carrière vivable, des bons transports en commun, des écoles et des hôpitaux en état de marche et éradiquer la pauvreté. Va-t-on fermer les tuyaux par lesquels les plus riches nous volent? Non. De Wever et Bouchez vont nous distraire avec le péril des migrants ou la chasse aux chômeurs.
Bref, nous vivons dans un pays très riche. Il y en a assez pour tout le monde! Les budgets publics sont en déficit? Oui, surtout à cause de la montagne de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises. La dette publique est élevée? Oui, mais elle est contrôlable, bien plus que la dette privée ou que l’effroyable dette écologique: ne rien faire nous coûtera dix fois plus cher demain (souvenez-vous de la Vesdre, ou de Valence récemment).
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Mais alors, pourquoi vont-ils détruire une grande partie de nos droits? Pour s’enrichir un peu plus? Pas tellement… Quand nous serons divisés, appauvris, que chaque emploi sera menacé par 20 sous-statuts, qu’il n’y aura plus de Sécurité sociale ou de services publics efficaces, alors nous deviendrons incapables de résister. Il ne restera de la démocratie que des formes sans contenu. Ils pourront dominer en paix.
Si on se laisse faire, chacun sera libre de devenir riche comme la secrétaire d’état au budget, il suffira d’économiser durant 100.000 ans. Votre syndicat voit les choses autrement: partout on s’informe, on discute et on s’organise, et on vous souhaite une bonne année : pas en 102025, mais dès 2025!