Il est temps de redresser nos impôts déséquilibrés

Auteur: Ive Rossel & Bram Van Vaerenbergh
05/12/2024
Le vendredi 13 décembre, les syndicats ont manifesté dans les rues de Bruxelles contre les plans du gouvernement Arizona. La fiscalité, entre autres, doit être révisée de toute urgence pour déplacer les charges pesant sur le travail vers le capital. Mais les négociateurs vont-ils vraiment assurer des impôts justes ? Nous faisons déjà une proposition plutôt contraignante.
80.210
Les sociétés de management poussent comme des champignons. Le nombre de sociétés de management a doublé ces cinq dernières années, passant de 41.150 à 80.210. La création de ces sociétés est devenue plus facile car elle ne nécessite plus de capital minimum. Mais pourquoi tant de personnes choisissent-elles de créer une société de management ? Une telle société est fiscalement plus avantageuse pour les hauts revenus.
14,9 milliards d’euros contre 54 milliards d’euros
Au fil du temps, les sociétés ont obtenu divers tarifs préférentiels et abattements fiscaux. Le résultat ? L’impôt des sociétés rapporte 14,9 milliards, soit 3,3 % du PIB. Par comparaison, l’impôt des personnes physiques rapporte 54 milliards, soit 11,8 % du PIB. Par ailleurs, pour chaque 100 euros d’impôt des sociétés, les entreprises récupèrent 100 euros sous la forme de subventions.
5 milliards d’euros
Le taux d’imposition des sociétés est passé de 33 % en 2017 à 25 % aujourd’hui. Il peut même descendre à 20 % sous certaines conditions. Cette baisse a entraîné un déficit budgétaire de 5 milliards. Les effets de retour attractifs promis par le ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA), lors de la mise en œuvre de la réforme de l’impôt des sociétés ne se sont pas matérialisés.
Que propose la CSC?
La CSC veut combattre l’utilisation des sociétés de management pour éviter de payer les cotisations sociales et l’impôt sur le revenu des personnes physiques. De plus, nous plaidons en faveur d’un impôt sur le rachat d’actions propres et un impôt sur les entreprises qui réalisent des surprofits dans des circonstances exceptionnelles. Nous préconisons d’analyser à nouveau les diverses pratiques d’ingénierie fiscale qui érodent le taux d’imposition. Pour nous, trois mesures vont de pair : l’instauration d’un impôt minimum et de la digitaxe pour les multinationales au niveau européen, et une taxe sur les activités numériques applicables à toutes les sociétés au niveau national.
5 milliards (bis)
L’impôt sur la fortune – celui qui pose problème notamment aux partisans de la N-VA et du MR – semble être le principal obstacle dans la formation du gouvernement jusqu’à présent. Pourtant, cet impôt pourrait facilement rapporter cinq milliards. Concrètement, la CSC propose d’introduire un impôt de 1 % sur la tranche de 1 million à 1,5 million, de 1,25 % de 1,5 million à 2 millions et de 1,5 % sur les fortunes supérieures à 2 millions. Ces seuils s’appliquent par personne, après déduction des dettes financières telles que les prêts en cours.
Cadastre des fortunes
Cinq minutes de courage politique et de volonté : c’est tout ce qu’il faut pour établir un cadastre des fortunes. Ce cadastre permettrait de répertorier les biens de chaque individu. Pas de panique, les autorités fiscales ne doivent pas venir jouer les détectives, car les outils existent d’ores et déjà. Mais qu’en est-il des biens immobiliers ? Le cadastre du SPF Finances reprend déjà les valeurs (non actualisées) des biens immobiliers. Quid de l’épargne et des autres ressources financières ? Ces informations sont déjà collectées au Point de contact central des comptes et contrats financiers (PCC). Quid des autres biens tels que les œuvres d’art, les bouteilles de vin onéreuses, etc. ? Ces biens sont assurés pour un certain montant par l’assurance incendie.
5 milliards (ter)
Un impôt sur les plus-values réalisées sur les produits financiers – tels que les actions, les obligations, etc. – et les biens immobiliers non personnels pourrait également rapporter 5 milliards par an. Selon le Conseil Supérieur des Finances (CSF) la plus-value des biens immobiliers pour les particuliers – à l’exclusion de l’habitation principale – s’élève à 13,7 milliards. Un impôt de 30 % sur les plus-values pourrait rapporter 4,1 milliards par an. Selon le CSF, un impôt de 30% sur les plus-values sur actions pourrait rapporter environ 1,1 milliard par an au Trésor belge.
Fraude, abus et évasion fiscale
La lutte contre tous les types de fraude, d’abus et d’évasion fiscale peut également rapporter une somme considérable. Plusieurs études ont déjà été menées en Belgique, mais leurs résultats varient considérablement : de 18 milliards à plus de 30,4 milliards, voire beaucoup plus. Les montants sont pour le moins hallucinants. En même temps, le nombre de contrôleurs des contributions au SPF Finances diminue rapidement. En moins de vingt ans, le nombre de contrôleurs du service a quasiment diminué de moitié. Le magazine Visie a parlé à l’un de ces inspecteurs. Celui-ci a indiqué qu’en moyenne, une entreprise n’est contrôlée qu’une fois tous les 40 ans (!). Le risque de se faire attraper pour fraude et abus est donc minime.