Bruxelles : les allocations familiales ne peuvent être un variable d’ajustement budgétaire
Bruxelles : les allocations familiales ne peuvent être un variable d’ajustement budgétaire
Auteur: Anne Léonard
Novembre 2025
Le système bruxellois des allocations familiales repose sur deux principes fondamentaux: un montant universel, couplé à des suppléments sociaux calculés selon les revenus du ménage. Ce principe permet de conserver le volet universel des allocations familiales, tout en veillant à répondre aux besoins sociaux importants de la Région.
Dans la période de crise politique et budgétaire profonde que nous connaissons à Bruxelles, la question du coût du dispositif est bien entendu au cœur des discussions. En effet, le régime des allocations familiales représente un budget de plus d’un milliard d’euro. De quoi attiser les convoitises dans un contexte budgétaire difficile. Dans ce contexte, il est important de rappeler qu’il s’agit en réalité d’un budget transféré par le niveau fédéral via une dotation. Cette dotation est calculée sur base d’une clé prenant en compte les enfants jusqu’à 18 ans sans regard pour la situation sociale des familles. À Bruxelles, le nombre d’ayants-droits de plus de 18 ans représente environ 20% du total général et les besoins de protection contre la pauvreté sont importants.
Les risques de dépassement de ce budget transféré ne sont pourtant pas générés par des dispositifs ou barèmes qui s’avéreraient aujourd’hui plus coûteux que prévus ou trop généreux, ni par un coût exorbitant des structures chargées de servir les familles - l’ensemble des structures fonctionnent avec un coût par enfant inférieur à 80 euros par dossier. Ces dépassements des budgets transférés sont liés à des indexations plus rapides qu’attendues et aux effets de volume difficile à anticiper, lié aux contextes démographique et géopolitique qui, bien souvent, impactent davantage le système de protection sociale bruxellois que celui des autres régions. La dotation fédérale couvre en fait en très grande partie le coût du dispositif et permet d’avoir un système qui produit les effets escomptés sur le plan social. Pour 2026, le « déficit » par rapport aux recettes est de 2,26%, ce qui est donc sans commune mesure avec l’ampleur du déficit régional.
En effet, les allocations familiales sont le seul soutien financier direct sur lequel peuvent compter les familles pour faire face aux coûts de l’éducation d’un enfant et permettent, à juste titre, de lutter contre la précarité infantile. Elles ne sont cependant pas suffisantes pour subvenir à de nombreux besoins essentiels; s’il fallait en attester, selon les dernières statistiques disponibles, la privation matérielle touche près d’un quart des enfants bruxellois (23,4%). Cela alors que l’évaluation menée par le Bureau du plan a pourtant démontré que le modèle retenu en région bruxelloise était plus efficace que ceux mis en place dans les autres régions pour lutter contre la pauvreté infantile.
Le caractère universel des allocations familiales nous semble également fondamental à rappeler et à préserver. Ce système a été créé pour assurer une solidarité envers toutes les familles, considérant la charge financière importante liée aux enfants. Son organisation actuelle, consistant en un montant de base pour tous et des majorations pour certains enfants, a permis d’atteindre un équilibre entre soutien à toutes les familles ayant la responsabilité d’élever un enfant et support accru aux familles en ayant le plus besoin. Ce caractère universel permet de diminuer l’effet de seuil des suppléments sociaux et renforce la légitimité d’un système qu’il nous semble fondamental de préserver.
C’est pourquoi, les allocations familiales ne peuvent pas être considérées comme une variable d’ajustement budgétaire, mais bien comme un levier indispensable pour permettre à chaque enfant de grandir dans des conditions décentes.
