L'Arizona signe la fin des fins de carrière
L'Arizona signe la fin des fins de carrières
Auteur: Alexis Fellahi, conseiller au service d'études.
Date de parution: 23 février 2025
En matière de fins de carrière, l’accord de gouvernement Arizona affirme mettre en place une politique flexible afin d’aider les travailleurs à rester actifs plus longtemps de manière faisable.
Si l’on confronte cette affirmation aux mesures concrètes envisagées, il est en effet très clair que les travailleurs resteront actifs plus longtemps. Il est par contre aussi très clair qu’ils ne seront pas aidés à travailler plus longtemps mais qu’ils y seront plutôt contraints et forcés. Une chose est bien moins claire: quelles seront les mesures qui rendront les fins de carrière faisables? Ces mesures font à ce stade défaut dans le projet de l’Arizona.
Si l’on se penche sur les mesures envisagées par la nouvelle majorité gouvernementale, on ne peut se détacher du sentiment que l’accès aux mesures de fin de carrière deviendra extrêmement compliqué pour de nombreux travailleurs, en particulier les travailleuses.
Les emplois de fin de carrière
Le gouvernement Arizona prévoit le durcissement de la condition de carrière pour l’accès aux emplois de fin de carrière à partir de 55 ans qui permettent une réduction de prestations d’1/5 ou d’1/2 jusqu’à l’âge de la pension: cette condition passe de 25 ans à 30 ans en 2025 pour être progressivement portée à 35 ans d’ici 2030.
Chaque année de carrière devra en outre compter 156 jours de travail effectif pour pouvoir être comptabilisée.
Le durcissement de cette condition de carrière privera de nombreux travailleurs du droit aux allocations liées à cette réduction des prestations ; ce qui constituera un obstacle à l’accès à l’une des seules mesures d’allègement des fins de carrière pour les travailleurs âgés. Les travailleuses risquent d’être particulièrement impactées par cette mesure.
Les régimes de chômage avec complément d’entreprise
Quant aux régimes de chômage avec complément d’entreprise, le gouvernement Arizona n’annonce rien moins que la disparition pure et simple de cette possibilité de sortie anticipée du marché du travail (bien que les chômeurs avec complément d’entreprise restent soumis à une obligation de disponibilité adaptée).
Le gouvernement annonce ainsi que plus aucun entrant dans ces régimes ne sera accepté après la date de l’accord de gouvernement, à l’exception du RCC Médical et du RCC entreprise en restructuration pour les entreprises ayant annoncé une intention de licenciement collectif avant la date de l’accord de gouvernement.
Comme l’atteste le tableau ci-dessous, il convient de souligner que les RCC connaissaient une diminution constante de bénéficiaires depuis de nombreuses années à la suite des renforcements successifs des conditions d’accès.

Ce tableau indique également que de nombreux régimes spécifiques de RCC étaient destinés à des travailleurs occupés dans des métiers lourds ou qui présentaient une très longue carrière. En supprimant ces régimes, le gouvernement Arizona se prive de l’une des rares mesures qui pouvait s’adresser à ces publics spécifiques.
Une annonce brutale
Ces annonces tombent tel un couperet puisqu’elles indiquent respectivement que le durcissement de la condition d’ancienneté s’appliquera dès 2025 et que plus aucun entrant ne sera accepté pour le RCC après la date de l’accord de gouvernement. Ces annonces gouvernementales semblent perdre de vue les principes de confiance légitime et de sécurité juridique qui ont récemment été rappelés par la Cour Constitutionnelle dans un arrêt du 30 janvier 2025.
La lecture de l’accord de gouvernement fait craindre que l’intention du gouvernement est que les travailleurs qui envisageaient un emploi de fin de carrière aux conditions actuelles ou que les travailleurs licenciés avant l’accord de gouvernement en vue d’entrer dans un RCC mais dont le délai de préavis continue à courir après l’accord de gouvernement ne pourront plus introduire de demande de réduction de leur prestation ni plus entrer dans un régime de chômage avec complément d’entreprise dès avant même la mise en œuvre concrète de l’accord de gouvernement.
Si telle est l’intention du gouvernement, elle se heurtera de plein fouet aux principes susmentionnés et ira à l’encontre de toute illusion de sécurité juridique.
Conclusion
Il est évident que les annonces du gouvernement constituent un net recul de la protection sociale accordée aux travailleuses et travailleurs.
Les modalités concrètes de mise en œuvre de ces mesures devront par ailleurs être attendues pour pouvoir pleinement évaluer leurs conséquences et informer correctement les personnes impactées. Le respect des principes fondamentaux de droit rappelés ci-dessus devrait pousser le gouvernement à revoir sa copie pour, à tout le moins, assortir ses annonces de mesures transitoires.
Toujours est-il qu’en durcissant à outrance l’accès à des régimes qui permettent l’allègement des prestations de travail en fin de carrière et en supprimant dans le même temps les régimes déjà stricts qui permettaient à certains travailleurs d’entamer une sortie anticipée du marché du travail, le gouvernement Arizona prend le risque de pousser de nombreux travailleurs en fin de carrière à bout en les privant de toute porte de sortie et en les faisant ainsi totalement décrocher du circuit de l’emploi.
Pour de nombreuses personnes, l’Arizona va ainsi remplacer les mesures de fin de carrière par une fin brutale de la carrière.