Il est temps d'adopter une autre approche budgétaire: les travailleurs méritent le respect!
Il est temps d'adopter une autre approche budgétaire: les travailleurs méritent le respect!

Auteures: Ann Vermorgen et Marie-Hélène Ska
Septembre 2025
Les derniers chiffres du Bureau fédéral du Plan montrent que la Belgique fait toujours face à une trajectoire budgétaire difficile. Le déficit du gouvernement fédéral et de la sécurité sociale est estimé à 26,1 milliards d’euros (4,1% du PIB) pour 2025, et atteindra 40,1 milliards d’euros (5,4% du PIB) d’ici 2030. Depuis juin 2024, la Belgique est sur la sellette européenne dans le cadre de la procédure pour déficit excessif. Jusqu’ici, la trajectoire budgétaire de ce gouvernement n’a pas amélioré la situation, bien au contraire. Alors qu’une série de mesures ont été planifiées et mises en œuvre en faisant systématiquement peser la facture sur les travailleurs, les dépenses de la défense ont augmenté à vive allure et la contribution des épaules les plus larges reste insuffisante.
Nous avons besoin d'une approche budgétaire qui ose s’attaquer à certains handicaps structurels que l’Etat s’est à lui-même imposé. Prenons les exemples du blocage des salaires en raison de la loi sur la norme salariale et de la limitation de l’indexation automatique. La Banque nationale le confirme : depuis 2013, la part des salaires recule en Belgique, malgré l’indexation. Cela ne signifie pas que les salaires baissent, mais plutôt que leur croissance est à la traîne par rapport à la croissance de l’économie.
La cause principale ? La croissance de la productivité ne se traduit pas par des hausses salariales réelles, en partie à cause d’une modération salariale délibérée et de la réduction des cotisations patronales. Cette politique a des conséquences sociales, mais également budgétaires. En gelant les salaires, l’Etat et la sécurité sociale se privent de recettes indispensables. Les revenus salariaux constituent en effet la principale source des recettes fiscales et de la sécurité sociale. La Banque nationale souligne explicitement qu’une baisse de la part des salaires fragilise les finances publiques. Parallèlement, les autorités cherchent à renforcer le pouvoir d’achat en augmentant les salaires nets au moyen de mesures fiscales pour lesquelles il n’y a pas de marge budgétaire, tout en voulant réaliser de nouvelles économies. Une politique qui relève du « tour de passe-passe » et qui est budgétairement intenable, alors que la solution est pourtant évidente.
Politique de subventions
Outre l’instauration de négociations salariales libres, un examen critique des dépenses et de la politique des subventions s’impose d’urgence. Au niveau fédéral, les réductions de cotisations patronales et les cadeaux fiscaux aux employeurs ne cessent de croître, tandis que le financement de la sécurité sociale subit une érosion structurelle. A l’échelon régional aussi, certains projets pèsent sur le budget, comme la réforme des droits de succession et de donation en Flandre et en Wallonie, qui profite surtout aux plus nantis.
La Commission européenne, l’OCDE et la Cour des comptes dénoncent depuis des années la prolifération des subventions et des avantages fiscaux qui bénéficient surtout aux groupes de pression les mieux organisés. Pensons aux généreuses réductions de cotisations sociales, aux subventions salariales pour la recherche et le développement, aux régimes fiscaux préférentiels dans l’impôt des sociétés. Citons également la réduction de cotisations pour la première embauche qui – même sous une forme adaptée – restera tout aussi inutile pour créer des emplois : pas moins de 700 millions d’euros ont ainsi été gaspillés. Ou encore les subventions salariales pour les heures supplémentaires (203 millions d’euros), qui risquent d’exploser davantage avec l’assouplissement imminent du régime des heures supplémentaires. Ces mesures constituent en outre un nouvel incitant pernicieux, car elles poussent les travailleurs à effectuer des heures supplémentaires, au détriment des emplois réguliers. La liste des recommandations s’allonge d’elle-même : supprimer les avantages fiscaux régressifs tels que l’épargne à long terme, en particulier pour les pensionnés, instaurer une TVA sur les billets d’avion et harmoniser les cotisations de pension des indépendants avec celles des salariés. La réduction progressive de ces avantages permettra de dégager plusieurs milliards sans affecter le pouvoir d’achat des travailleurs. Autant de propositions très concrètes et réalistes. Il faut que ça change!
Les travailleurs méritent le respect, pas des économies réalisées sur leur dos. Une autre approche budgétaire est possible : opter pour des cotisations équitables, une politique de subvention juste et une rémunération correcte. Ce n’est qu’à ces conditions que nous pourrons bâtir un avenir socialement juste et financièrement sain pour tous.