Cette réforme des pensions ne fonctionne pas pour les travailleurs et les travailleuses. Pourquoi?
Cette réforme des pensions ne fonctionne pas pour les travailleurs et les travailleuses. Pourquoi?
Auteure: Anne Leonard
Octobre 2025
Le gouvernement fédéral propose une série de mesures qui sont présentées comme nécessaires pour assurer la viabilité financière du système. Toutefois, derrière les termes techniques et les règles complexes se cache une dure réalité: cette réforme est socialement injuste et touche principalement celles et ceux qui sont déjà en difficulté. La nécessité de cette réforme est d’autant plus discutable que les euros ainsi économisés sont dépensés de l’autre côté du spectre sous la forme de cadeaux aux entreprises et aux hauts revenus.
Les simulations du Service fédéral des Pensions montrent que 54% des travailleurs devront repousser leur pension anticipée. 18% devront reporter leur pension anticipée de plus d’un an pour éviter le malus. 3% perdront même complètement le droit à la pension anticipée. Il faut souligner que, pour de nombreux travailleurs, la pension anticipée – pour autant qu’ils y aient droit – est la seule issue, car le travail qu’ils effectuent est trop dur et n’est pas tenable jusqu’à l’âge légal de la pension.
Selon les chiffres du Service fédéral des Pensions, les travailleurs perdront en moyenne 170 euros par mois. La perte pourra atteindre 318 euros par mois, soit un quart de la pension. Les femmes, les travailleurs à temps partiel et les personnes dont la carrière a été interrompue seront particulièrement touchés. Dans le groupe des revenus les plus faibles, où les femmes sont surreprésentées, 42% des travailleurs salariés verront leur pension diminuer.
Même celles et ceux qui travailleront jusqu’à l’âge légal de la pension seront désavantagés. Ainsi, les personnes qui ont eu la malchance de se retrouver au chômage, verront le montant de leur pension réduit à la fin de leur carrière. Les simulations montrent que l’impact sur le montant de la pension sera négatif pour 26% de celles et ceux qui travailleront jusqu’à l’âge légal de la pension, soit 66 ans ou même 67 ans à partir de 2030. En moyenne, on parle d’une perte de 229 euros par mois. La CSC s’oppose avec force à ces mesures qui touchent avec effet rétroactif les assimilations pour des carrières antérieures.
Effet rétroactif
La réforme punit tous ceux et celles qui ne peuvent pas justifier d’une carrière « parfaite ». Les carrières à temps plein et ininterrompues sont préservées jusqu’ici, tandis que la maladie, le chômage, le congé pour soins ou le travail à temps partiel sont sanctionnés. Ce n’est pas seulement injuste, c’est aussi discriminatoire. Les femmes, qui sont plus susceptibles de travailler à temps partiel ou d’assumer des responsabilités familiales, sont touchées de manière disproportionnée. La non-assimilation du congé de maternité pour la nouvelle formule de la pension anticipée après « 42 années de carrière effective » est particulièrement frappante.
La réforme s’applique avec effet rétroactif. Elle modifie les règles pour des années de carrière déjà accomplies. Les travailleurs pour qui une bonne partie de leur carrière est déjà derrière eux ne peuvent plus changer leur situation. Cette réforme sape la confiance dans le système et va à l’encontre du principe de la sécurité juridique. Il faut savoir également que l’enregistrement des périodes d’assimilation n’est pas suffisamment précis et fiable avant une certaine période. De plus, le Service des Pensions prévient que les systèmes de calcul nécessaires ne seront prêts qu’en 2027, ce qui plonge les citoyens dans une incertitude totale.
Une politique équitable en matière de pensions doit tenir compte de la réalité des carrières réelles: les tâches de soins, la maladie, le travail à temps partiel et les métiers lourds. Cette réforme fait le contraire. Elle sanctionne celles et ceux qui n’ont pas eu de chance, qui ont pris soin des autres ou qui ont travaillé à temps partiel et ce n’est pas la bonne voie vers une pension socialement juste.
