Avis des interlocuteurs sociaux européens: demandez-le et lisez-le
Avis des interlocuteurs sociaux européens : demandez-le et lisez-le
Auteur: Piet Van den Bergh
Les interlocuteurs sociaux européens, dont la Confédération européenne des syndicats (CES) pour les travailleurs, ont signé à la mi-février dernier le Pacte tripartite pour le dialogue social européen. Ce Pacte fait suite à la déclaration de Val Duchesse (2024), qui revêt donc plus qu’une nature cérémonielle, 40 ans après que Jacques Delors ait mis le dialogue social européen sur les rails, également à Val Duchesse.
“Afin de continuer d’améliorer à tous les niveaux le dialogue tripartite entre la Commission et les interlocuteurs sociaux, la Commission consultera les interlocuteurs sociaux à temps et de manière pertinente sur les initiatives politiques non couvertes par les articles 153 et 154 [la politique sociale au sens strict de l’UE], mais qui revêtent une importance particulière pour les interlocuteurs sociaux. Elle veillera à ce que les coordinateurs exécutent leurs tâches au sein de chaque Direction générale (DG) et favorisent une meilleure compréhension du dialogue social ainsi qu’une approche cohérente dans tous les services de la Commission.”
Le texte qui précède est extrait du nouveau Pacte. Concrètement, la Commission européenne s’engage à impliquer les interlocuteurs sociaux dans les transitions auxquelles nous sommes confrontés. La Commission consultera aussi les interlocuteurs sociaux dans le cadre d’autres initiatives européennes qui ne relèvent pas de la politique sociale en tant que telle, mais qui ont un impact dans les entreprises.
Tout cela vous semble une évidence? Prenons à titre d’exemple deux lois adoptées l’an dernier contre l’avis des interlocuteurs sociaux. Tout d’abord, la farce relative à la responsabilité étendue des "préposés" dans le nouveau Code civil. Résultat: un client mécontent peut désormais embêter les travailleurs. Bien que le Code civil utilise le terme daté de "préposé", il s’agit souvent de travailleurs salariés. S’il avait demandé l’avis des interlocuteurs sociaux, le Parlement belge aurait au moins pu tenir compte des préoccupations des travailleurs.
Parmi les 117 députés qui ont adopté le nouveau Code civil, y en avait-il un seul qui sache que ces dispositions contraindraient le secteur des soins à souscrire des assurances de protection juridique pour leurs travailleurs à partir du 1er janvier 2025 en raison de doutes raisonnables quant à la possibilité que le nouveau Code civil permette encore de conclure des accords sur des interventions qui provoquent des dommages corporels ? Est-il vraiment opportun que le secteur des soins utilise ses budgets limités pour contracter une assurance de protection juridique pour l’ensemble de ses préposés?
Autre exemple: la loi sur les détectives privés, qui est devenue la loi du 18 mai 2024 réglementant la recherche privée. Le ministre de l’Intérieur avait demandé l’avis du Conseil national du Travail, mais il n’en a finalement tenu aucun compte, au grand dam des services du personnel. En effet, avant de pouvoir procéder à un licenciement pour faute grave de façon juridiquement correcte, le services du personnel doit respecter les dispositions de la loi réglementant la recherche privée. Le personnel est inquiet également, car dans bon nombre d’entreprises même le représentant du personnel ne peut plus dire si des détectives privés sont présents dans l’entreprise ni, éventuellement, ce qu’ils y font. L’avis unanime du Conseil national du Travail, qui tenait en 8 pages à peine et qui a été rendu tout juste 6 mois avant l’adoption de la loi, proposait pourtant des moyens simples de remédier à ces deux difficultés.
Mesdames et messieurs les membres du gouvernement et du Parlement, demandez l’avis des interlocuteurs sociaux sur des questions relatives au lieu de travail, même si vous ne siégez pas à la commission des Affaires sociales. Même les membres du gouvernement belge qui n’avaient pas de portefeuille "social" affichaient de larges sourires lors de la Déclaration de Val Duchesse, en 2024. Suivez leur exemple.