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L'accord d'association UE-Mercosur: les travailleurs ont-ils à y gagner?

L’accord d’association UE – Mercosur : les travailleurs ont-ils aussi à y gagner?

Auteur: Renaat Hanssens, conseiller au service d'études

Date de parution: 21 janvier 2025

Dans la perspective d’une vague de protectionnisme commercial et face à la lutte géopolitique pour l’accès aux matières premières critiques, la finalisation des négociations avec le bloc commercial du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) était devenue une véritable obsession pour la Commission européenne. L’élection de Donald Trump a peut-être aussi fait clignoter un certain nombre de feux orange dans les pays du Mercosur car des négociations difficiles autour d’exigences européennes supplémentaires concernant l’accord de Paris sur le climat et la déforestation ont soudainement pu aboutir fin décembre. Ainsi, les lobbies les plus puissants des deux côtés de l’Atlantique, l’agro-industrie en Amérique latine et le secteur technologique en Europe, ont finalement obtenu l’accord dont ils rêvaient depuis longtemps.

Même si, dans le contexte géopolitique actuel, il y sans aucun doute des avantages à renforcer les liens politiques et commerciaux avec des pays dont nous nous sentons proches, les syndicats ne peuvent que dénoncer le maigre résultat de cet accord pour les travailleurs. Des pays comme le Paraguay ou le Brésil et maintenant l'Argentine n'ont pas une très bonne réputation en matière de respect des droits du travail et des droits humains. Ainsi, dans un rapport de 2023, la Commission d'Experts de l'OIT a constaté l'existence d'une large part de travail forcé dans des entreprises agricoles industrielles au Brésil. En Argentine, le droit de grève et le droit à la négociation collective sont attaqués, et de nombreux droits sociaux sont sous pression. En conséquence, le taux de pauvreté a dépassé les 50 %.

Dans ce contexte, les syndicats dénoncent l’incohérence de la Commission européenne. En 2022, celle-ci a élaboré un nouveau modèle de chapitre « Commerce et développement durable » pour les accords commerciaux mais elle ne l’applique pas à l’accord du Mercosur. Ce nouveau modèle donne force aux engagements en matière de droits de l’homme, d’environnement ou du travail en autorisant des sanctions si les engagements ne sont pas respectés. À l’exception d’engagements environnementaux fermes, on ne retrouve aucun élément de ce nouveau modèle dans l’accord du Mercosur. Cet accord utilise l’ancien modèle, qui mise sur le dialogue et la coopération pour résoudre les problèmes éventuels d’application de normes fondamentales du travail auxquelles les partenaires commerciaux se sont engagés.

L’expérience avec la Corée du Sud montre toutefois que compter sur les nobles intentions de l’autre partenaire dans un accord commercial revient souvent à acheter un chat dans un sac. Aucun responsable politique européen n’ignore où le président argentin Milei veut aller en termes de droits humains et du travail, s’il n’était pas limité dans une certaine mesure par la législation nationale et par des accords internationaux. Avec un autre accord du Mercosur, dans lequel les engagements en matière de développement durable auraient été réellement contraignants, on aurait pu donner un coup d’arrêt supplémentaire à ses projets ambitieux. L’application du nouveau modèle de chapitre « Commerce et développement durable » aurait également renforcé le rôle des syndicats et d’autres organisations de la société civile dans le suivi du respect des engagements pris. Aujourd’hui, ces organisations doivent se contenter de nobles promesses et d’un rôle de spectateur. Vu la situation sur le terrain, c’est plus qu’insuffisant. Les syndicats ne peuvent donc pas soutenir cet accord.