La loi sur le devoir de vigilance approuvée par le Parlement européen
Onze ans après l’effondrement de l’usine textile Rana Plaza au Bangladesh, le Parlement européen a approuvé (374 pour, 235 contre, 19 abstentions) la loi sur le devoir de vigilance des entreprises, attendue de longue date. Cette loi est un premier pas vers des chaînes de valeur mondiales exemptes de violations des droits humains, d’exploitation du travail et de dommages environnementaux. Avec cette loi, l’Union européenne deviendra le plus grand marché mondial doté d’un devoir de vigilance contraignant pour les grandes entreprises opérant sur son marché.
La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité impose aux grandes entreprises de prendre des mesures de précaution pour prévenir les violations des droits humains, les abus sociaux et les atteintes à l’environnement dans leurs chaînes de valeur transnationales. La directive vise également à donner aux victimes de ces abus, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE, un meilleur accès à la justice et à la réparation.
Les États membres de l’UE, le Parlement et la Commission étaient déjà parvenus à un accord politique sur le texte à la fin de l’année 2023. Juste avant la ligne d’arrivée, certains États membres ont rompu cet accord et la directive a encore été édulcorée, notamment en limitant considérablement son champ d’application, qui ne s’applique plus qu’aux très grandes entreprises.
"Ces dernières années, des milliers de citoyens et de nombreuses entreprises progressistes ont demandé des règles claires pour des pratiques commerciales plus responsables. Aujourd’hui, les parlementaires européens ont répondu à cette demande", a déclaré Sophie Wintgens, chargée de recherche sur le Commerce international du CNCD-11.11.11. "L’affaiblissement du texte tout au long des négociations limite certainement l’impact de cette loi, manquant ainsi l’occasion de mettre véritablement fin à l’impunité des entreprises. Ces nouvelles règles ont tout de même le potentiel de changer radicalement la façon dont les grandes entreprises opèrent."
"Malgré ses lacunes, cette directive sur le devoir de vigilance est une étape importante dans la lutte pour la reconnaissance et la réduction de l’impact négatif des activités des entreprises sur les droits humains, les droits du travail et l’environnement. Les Etats membres doivent maintenant entériner leur engagement antérieur et approuver formellement la directive. Nous attendons d’eux qu’ils ne perdent pas de temps et qu’ils le fassent dès que possible", a déclaré Zoé Dubois, chargée de plaidoyer chez achACT.
Contexte
- En mars 2021, le Parlement européen a publié une proposition d’ébauche de règles européennes sur les exigences de vigilance raisonnable pour les entreprises.
- En février 2022, la Commission européenne a publié une proposition de directive, qui présentait toutefois des lacunes importantes.
- En décembre 2022, les pays de l’UE se sont mis d’accord sur leur position concernant cette nouvelle législation européenne. Ils ont ainsi dilué la proposition déjà faible de la Commission.
- En juin 2023, les parlementaires européens se sont mis d’accord sur leur position et ont envoyé un message plus ambitieux aux victimes d’abus des entreprises.
- En décembre 2023, les pays de l’UE, le Parlement européen et la Commission européenne sont parvenus à un accord commun sur cette législation, qui a épargné les financeurs des énergies fossiles et les secteurs présentant des niveaux élevés d’exploitation des travailleurs et travailleuses.
- En février 2024, l’Allemagne a retiré son soutien à l’accord. Cela a amené d’autres pays de l’UE à reconsidérer leur position et a bloqué la ratification de la loi par les ambassadeurs auprès de l’UE
- Après des concessions supplémentaires, la Présidence belge de l’UE a néanmoins obtenu un soutien suffisant de la part des États membres le 15 mars 2024 pour une législation édulcorée
Communiqué rédigé par le CNCD 11.11.11, dont la CSC est l'une des organisations membres.