Analyse
15/05/2024
Le Pacte migratoire européen : une menace pour le droit d’asile

Le 23 septembre 2020, la Commission européenne a dévoilé son Pacte migratoire européen, visant une meilleure gestion des mouvements migratoires au sein de l'Union européenne (UE).
Ce nouveau pacte a été salué comme une tentative de mettre en place une politique migratoire cohérente et équitable pour l'ensemble des États membres. Le 20 décembre 2023, un accord a été trouvé. Un accord qui nous semble désastreux tant le contenu du pacte est aux antipodes des décisions que nous espérions.
Loin de répondre aux enjeux humains, lutte contre l’exploitation humaine, création de voies légales et sûres de migration, etc., il nous apparaît clairement que ce pacte est avant tout un moyen de sélectionner une immigration choisie. Le texte prétend concilier responsabilité et solidarité. Pourtant, il défend une approche répressive, criminalisant la migration et allant dans le sens d’une fermeture des frontières.
Ce pacte se centre principalement sur un mécanisme de relocalisation des demandeurs d'asile. Les pays les plus touchés par les arrivées de migrants, tels que l'Italie, la Grèce et l'Espagne, recevraient un soutien accru de la part des autres États membres dans l'accueil et l'intégration des demandeurs d'asile.
À aucun moment, le curseur n’est placé sur les mécanismes de régularisation ou de protection pour les travailleurs. Au lieu d’abolir le règlement de Dublin (lequel détermine que toute demande d’asile doit être adressée au premier pays européen dans lequel la personne migrante est entrée en Europe), le pacte prévoit à la place un mécanisme appelé AMMR (Asylum and Migration Management Regulation). Ce système propose d’élargir les critères d’identification du premier pays responsable de la demande d’asile. Ce qui ne réglera pas les tensions entre États membres, vu que par défaut, si un doute existe sur le pays auquel il doit être rattaché, il sera renvoyé vers le premier pays d’entrée.
Le pacte prévoit également de toutes nouvelles procédures de détention, de filtrage et de traitement accéléré des demandes qui met en danger le droit d’asile. Il propose de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l'UE et de faciliter les procédures de retour des migrants économiques irréguliers.
Le fait que les personnes sans papiers soient aussi visées par la nouvelle procédure aux frontières va augmenter le nombre de contrôles policiers et de mises en détention - notamment dans les pays de seconde arrivée comme le nôtre.
Il est également attendu des pays tiers qu’ils collaborent au niveau de la politique sur le retour et l’endiguement des départs. Ce faisant, on instrumentalise et on conditionne l’aide que l’UE pourrait apporter dans ces pays via l’aide au développement. En l’absence de voie de migration régulière, on ne solutionne rien, on ne fait que développer de nouvelles routes irrégulières, ce qui ne fera qu’augmenter les risques de violences, d’abus par des passeurs et de décès des personnes migrantes.
La logique est en cohérence avec la loi immigration en France ou le code de la migration contrôlée que notre secrétaire d’état à l’asile et la migration Nicole Demoor a sorti récemment. Tous ces textes insistent sur l'importance de la prévention de l'immigration illégale. Ces différents textes prônent tous une approche réactionnaire et protectionniste. La personne migrante y est vue comme un danger.
Le vote du pacte aura lieu au printemps 2024, peu avant les élections européennes. Il est déjà décrié par toute une série d’acteurs comme les syndicats et ONG actives sur le sujet. Ceux-ci ont publié en décembre une carte blanche dénonçant ce projet. Le projet de pacte nécessitera l'approbation de tous les États membres de l'UE, ce qui n’est heureusement pas garanti, vu les vives oppositions qu’il suscite autant à droite qu’à gauche. Son adoption serait un vrai danger pour le droit d’asile.