Vos droits
bab449ae-2477-46b3-8fca-27c4c5741bd6
https://www.lacsc.be/vos-droits
true
Actualité
59ea6a04-d5cb-49bb-86bf-262457cb04b8
https://www.lacsc.be/actualite
true
Services
c7cddb17-187f-45c2-a0e2-74c299b8792b
https://www.lacsc.be/services
true
S'affilier
abbb02d8-43dd-44b5-ae75-3cd90f78f043
https://www.lacsc.be/affiliation
true
La CSC
c62ac78b-1aa2-4cb9-a33b-59e6fc085fb4
https://www.lacsc.be/la-csc
true
Contact
7f7bdd4f-c079-401e-a1bf-da73e54f00c2
https://www.lacsc.be/contactez-nous/pagecontact
true
Je m'affilie

Agir contre les violences sexistes et sexuelles au travail

Les chiffres sont éloquents. En Belgique, une femme sur cinq a été victime de viol (Amnesty International, 2019). 9% des travailleuses ont été agressées physiquement au bureau (Jump, 2016). Une travailleuse sur trois est régulièrement victime d’un comportement inapproprié sur son lieu de travail (enquête CNE, 2021). Ces violences sexistes et sexuelles peuvent provoquer des absences au travail qui s’avèrent souvent pénalisantes. Quelles informations (principalement juridiques, dans le cadre du présent article) peut-on notamment donner à une collègue victime de violences liées à son milieu professionnel (même si les faits ont éventuellement eu lieu en dehors du lieu de travail) ?  

Avant toute chose, la première démarche est de prendre au sérieux la collègue qui exprime avoir été victime de violence. Il est important d’adopter une posture d’écoute et de confiance, de lui reconnaître une « présomption de sincérité », de lui dire « je te crois », plutôt que d’adopter une attitude de suspicion ou de jugement. 

  
Procédures possibles 
Ecouter la victime, c’est notamment (mais pas seulement) pouvoir l’informer des procédures possibles : 

  • Utiliser, éventuellement dans un premier temps, le circuit « informel », en consultant de manière spontanée et confidentielle la personne de confiance et/ou le conseiller en prévention aspects psychosociaux (CPAP). 
  • Utiliser, d’emblée ou dans un second temps, le circuit « formel », en déposant une plainte motivée auprès de la CPAP. La consultation doit pouvoir avoir lieu durant les heures de travail. Si l’organisation du travail ne le permet pas (travail de nuit par exemple), la victime peut rencontrer la CPAP ou la personne de confiance en dehors des heures de travail, avec remboursement des frais de déplacement par l’employeur. La CPAP informera l’employeur, puis analysera la situation. Ils tenteront ensuite de mettre en place des mesures pour supprimer ou limiter le risque au minimum. 
La travailleuse victime bénéficie d’une protection spécifique contre le licenciement dès le moment où elle dépose sa plainte, de même que les éventuels témoins qui sont intervenus dans la procédure. 

En outre, la règlementation liée à la surveillance de santé fournit un outil qui peut s’avérer utile : la consultation spontanée (art. I.4-37 du Code du bien-être). Toute travailleuse peut demander une consultation spontanée directement auprès du conseiller en prévention-médecin du travail (CPMT) pour des plaintes liées à la santé qu’elle estime être en relation avec le travail. Dès qu’elle reçoit la demande, la CPMT avertit l’employeur, sauf si la travailleuse n’est pas d’accord (ce qui l’obligera à rencontrer le CPMT en dehors des heures de travail), et effectue une évaluation de santé de la travailleuse dans les 10 jours ouvrables. A l’issue de la consultation, la CPMT peut proposer un aménagement temporaire du poste de travail ou une mutation temporaire à un autre poste de travail. De manière générale, les décisions de la CPMT doivent être exécutées par l’employeur en vertu de l’article 5 de la loi du 4 août 1996, soit immédiatement, soit moyennant un certain « temps de réaction », selon le type de décision. 

Les coordonnées de la CPAP et du CPMT (du Service externe de prévention et protection au travail) doivent obligatoirement figurer dans le règlement de travail, de même que la description des procédures d'intervention psychosociale formelle et informelle. 

Les obligations de l’employeur 
Tout employeur doit prendre les mesures de prévention nécessaires pour prévenir les situations et les actes qui peuvent mener aux risques psychosociaux au travail, pour prévenir les dommages ou pour les limiter.  

Lorsque des violences sexistes et sexuelles ont lieu en dehors du lieu de travail, beaucoup d’employeurs affirment n’avoir aucune marge de manœuvre pour agir, quand bien même la victime aurait déposé plainte auprès de la police. Pourtant, si le risque qu’une travailleuse subisse un dommage physique et/ou psychique est lié aux relations interpersonnelles au travail, ou si ces violences peuvent avoir des conséquences sur le lieu de travail, l’employeur a une responsabilité. Celui-ci doit prendre en compte l’impact que la vie privée peut avoir sur le comportement au travail.  

Les mesures de prévention 
Le premier besoin qu’exprime souvent les victimes de violences sexuelles, c’est que cela ne se reproduise plus. L’employeur doit s’efforcer de mettre en place des aménagements dans l’entreprise afin que l’auteur présumé ne puisse plus entrer en contact avec la victime sur le lieu de travail (ou que cette probabilité soit réduite au minimum).  

Il est préférable que l’employeur cherche une solution qui permette à la victime de garder son poste de travail tel qu’il était avant les faits (sauf si celle-ci désire autre chose). Le fait de devoir changer de cadre de travail, voire même d’emploi, en tant que victime, est souvent vécu comme une double peine.  

L’employeur peut ainsi convoquer l’auteur présumé pour lui proposer de changer lui-même de service (ou de lieu de travail si l’entreprise a plusieurs sites). En cas de désaccord, l’employeur évaluera la marge de manœuvre dont il dispose pour imposer une modification unilatérale de cet aspect des conditions de travail, compte tenu de l’avis éventuel du CPAP (en cas de plainte formelle). En cas d’impossibilité, l’employeur devrait, au minimum, permettre à la victime de changer de service (ou de lieu de travail si l’entreprise a plusieurs sites). 

De manière générale, si l’entreprise dispose d’un CPPT, celui-ci peut rendre un avis sur les mesures les plus pertinentes en cas de violence ou de harcèlement, compte tenu des circonstances particulières de l’organisation du travail et du lieu de travail. En outre, il est conseillé que ce comité établisse une procédure interne devant s’appliquer lorsque des faits de violence ou de harcèlement sont signalés (accueil, conseil, intervention, etc.), à faire inscrire dans le règlement de travail. 

Sanctionner les auteurs 
L'employeur dispose d'un pouvoir disciplinaire dans l’entreprise. Il peut appliquer une sanction, telle que l’avertissement, la mutation, la rétrogradation ou la suspension du contrat de travail, pour autant que la sanction soit prévue dans le règlement de travail. L’employeur pourrait également décider que le licenciement est la seule alternative dont il dispose pour supprimer le risque d’exposition de la travailleuse à une nouvelle agression, quelle qu’elle soit (ou réduire ce risque au minimum).  

Au préalable, des preuves doivent être recueillies. En matière de violences sexistes et sexuelles, ce n’est pas « parole contre parole » ! La preuve que la victime doit apporter repose sur un faisceau d’indices concordants. Le dossier peut comporter le récit écrit (chronologique, précis et circonstancié) des violences ; des rapports et certificats médicaux (surtout s’ils ont été rendus juste après les faits) ; des témoignages ; toute trace écrite des démarches effectuées par la victime. Tous ces éléments ne sont pas nécessaires pour rendre une plainte crédible, mais il en faut quelques-uns. 

En jurisprudence, il est établi que certains faits (même de la vie privée) peuvent entraîner un licenciement immédiat pour faute grave lorsque ceux-ci vont totalement à l'encontre des obligations contractuelles ou ont un impact sur l’exécution du contrat, et qu’ils sont de nature à rendre immédiatement impossible la poursuite de la collaboration professionnelle. A titre d’exemple, ont été reconnus comme justifiant un licenciement pour faute grave divers comportements qui sont la conséquence de dissensions graves entre deux membres du personnel, lorsque le comportement violent d’un travailleur à l’égard de sa collègue met en péril sa sécurité sur le lieu de travail (C. trav. Liège, 28 avril 2009). 

A côté des sanctions disciplinaires, il existe également des sanctions administratives et pénales. 

L’article 119 du Code pénal social punit d’une sanction de niveau 4 toute personne qui entre en contact avec les travailleuses lors de l'exécution de leur travail et qui commet un acte de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail.  

Quelle indemnisation en cas d’arrêt de travail ? 
Conserver leur autonomie économique et financière est primordial pour les victimes de violences. Dans la plupart des cas, la victime dispose d’un salaire garanti pendant 30 jours. En toute hypothèse, il serait éventuellement possible d’obtenir une meilleure indemnisation, en demandant la reconnaissance de l’agression sexuelle ou du viol comme un accident causé par un collègue, soit « dans le cours et par le fait » du travail, soit « du fait » du travail. Dans cette définition, le « fait du travail » doit être entendu, au sens large, comme tout événement que le milieu naturel, technique ou humain du contrat a rendu possible. Une telle reconnaissance suppose que soit apportée la preuve de l’événement, de la lésion physique ou psychique provoquée par l’événement, ainsi que du lien de causalité entre les faits de violence et le travail (c’est-à-dire du fait que c’est bien le milieu professionnel qui a rendu possible l’agression ou le viol).  

Si la victime est d’avis que ces conditions sont remplies et qu’elle peut produire des preuves suffisantes, rien ne l’empêche de demander à l’employeur d’introduire une déclaration d’accident de travail, en lui fournissant un certificat médical contenant la description des lésions constatées et des suites de l’agression ou du viol. Même si l’employeur a des doutes quant aux circonstances et aux faits avancés par la travailleuse comme étant constitutifs de l’accident causé par un tiers du fait du travail, c’est à l’assureur de décider s’il s’agit d’un accident du travail, et pas l’employeur. La décision de l’assureur est bien évidemment susceptible de recours devant le tribunal du travail.  

S’opposer aux différentes formes de violence, intervenir auprès des collègues ou des employeurs, accompagner les victimes, promouvoir des comportements non sexistes au niveau de l’entreprise et de nos comportements quotidiens… La liste des actions possibles est longue pour que les violences sexistes et sexuelles, dans la société comme au travail, disparaissent.