Mobilisation du monde agricole: agriculteurs et salariés, même combat?

Alors que le monde agricole manifeste de nouveau son mécontentement ce lundi 26 février 2024, à Bruxelles, la Centrale nationale des employés répond aux interrogations. Pourquoi la CNE, notre syndicat, soutient-il les revendications des agriculteurs et agricultrices ? Et parmi toutes leurs revendications, quelles sont justement celles que nous soutenons réellement ? Réponse(s).
Depuis quelques semaines nous avons vu en Wallonie, en Belgique et dans de nombreux pays d'Europe, exploser la colère des agriculteurs. Ce qui a frappé beaucoup de téléspectateurs et de citoyens, c’est évidemment leur grande détresse et détermination.
Mais c’est aussi l'étonnante bienveillance dont font preuve la police et les gouvernements face à leurs actions très déterminées. Nous n'en sommes certainement pas jaloux : il est heureux que des travailleurs mobilisés pour défendre leurs droits soit regardés avec sympathie. Mais nous ne pouvons pas cacher notre étonnement : quand ce sont les travailleurs de Delhaize, ou du non marchand, ou des transports en commun qui manifestent, se mettent en grève ou occupent un carrefour, nous avons dans la demi-heure la visite d'huissiers de justice, des menaces de condamnations assez lourdes et au besoin les matraques de la police. Ceci montre à quel point les dirigeants politiques ont choisi le camp des patrons face à celui de la classe travailleuse.
Mais revenons au combat des agriculteurs. La force de leur colère est frappante. Il est moins évident de savoir quelles sont leurs priorités. On entend certains rejeter les mesures écologiques, d'autres se plaindre de la charge administrative, ou encore du très faible prix qui est payé pour leur travail.
Ne pas rester spectateur
Certains ajoutent, même si les médias n'y prêtent pas toujours attention, que les accords de libre-échange entre l'Europe et des pays ou des régions au bout du monde aggrave l'absurdité du système. Est-il nécessaire de signer des accords qui permettent d'importer du lait de la viande, des pommes ou des oignons alors que nous sommes parfaitement capables de produire cela en Wallonie ?
Pour un syndicat comme la CNE, qui veut à la fois défendre vos conditions de travail dans chaque entreprise, et contribuer à une société juste et écologique, nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas rester au balcon pendant que les agriculteurs mènent leur combat. Nous avons d'ailleurs une longue tradition de solidarité avec les petits producteurs en agriculture bio ou raisonnée de Wallonie. C'est pour cela que nous avons prêté attention aux revendications de la FUGEA qui regroupe les plus progressistes des agriculteurs wallons. Nous nous retrouvons parfaitement dans leur 5 revendications essentielles qui sont reproduites ci-dessous. Et nous savons que nous pouvons compter sur leur soutien pour défendre les valeurs fondamentales de notre syndicat, en matière de protection sociale, de justice fiscale ou d'écologie équitable.
Réguler les prix mais pas seulement...
C'est pour cela que ce lundi 26 février nous serons avec des dizaines de collègues de la CNE aux côtés de la FUGEA au rond-point Schuman pour dire aux ministres du commerce de l'Union européenne, qui y seront en réunion, que le projet d'accord de libre-échange avec le Mercosur ( Brésil - Argentine - Uruguay - Paraguay) doit être abandonné sans délai. Ce dont les agriculteurs, les citoyens et les travailleurs, unis, ont besoin, ce n'est pas de remplacer la viande wallonne par celle d'Argentine, ni le lait de chez nous par du lait canadien ou de Nouvelle-Zélande, c'est de payer aux agriculteurs un prix juste pour leur travail et d'arrêter les absurdités de la politique agricole commune qui sert largement aujourd'hui à subventionner les multinationales qui accaparent les terres et qui font que parmi les principaux bénéficiaires on trouve Aldi ou Colruyt ou des milliardaires qui achètent de la terre à titre spéculatif.
Il est possible et indispensable de réguler les prix, contrôler pour tout le monde la qualité de l'alimentation, et sortir l'alimentation du libre marché : nous n'accepterons jamais que la faim des uns ou la nourriture des autres ne soient qu'un jouet de spéculation financière.
Nous sommes au côté de nos collègues de la FUGEA et de la via campesina deux points en Wallonie, en Europe, dans le monde la nourriture le travail des agriculteurs et la santé des citoyens sont trop importantes pour les laisser au marché. Le gouvernement belge doit sans délai rejeter les négociations Mercosur et refuser la ratification du funeste accord CETA.