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Des lanceurs d’alertes dans votre entreprise ?

En 2009, les données bancaires volées par l’informaticien Hervé Falciani avait permis d’identifier plus de 127.000 comptes suisses non déclarés, révélant l’étendue d’un système de fraude fiscale encouragé par la banque HSBC. En 2010, l’ancien employé du cabinet d’audit PwC, Antoine Deltour, avait diffusé des centaines d’accords de ruling passés entre l’administration fiscale luxembourgeoise et de grandes multinationales (conseillées par PwC), dévoilant des dispositifs d'optimisation fiscale agressive. Par la suite, ces lanceurs d’alerte ont vécu de véritables calvaires judiciaires. Ce ne sont ici que deux exemples parmi beaucoup d’autres. Grâce à une nouvelle loi bientôt en vigueur dans les entités privées et publiques, les lanceurs d’alerte vont être mieux protégés contre les représailles. 

La loi du 28 novembre 2022 a été publiée au Moniteur belge le 15 décembre 2022 et entrera en vigueur le 15 février 2023. Cette loi transpose la directive européenne visant à protéger les lanceurs d’alerte, c’est-à-dire les personnes qui ont obtenu des informations révélant des infractions ou des fraudes commises dans un contexte professionnel et qui les communiquent.

Domaines couverts
Seuls les signalements de violations dans des domaines bien définis sont protégés. Il s'agit notamment des infractions à la législation sur les marchés publics, les services financiers, la sécurité et la conformité des produits, la sécurité des transports, la sécurité des aliments, la santé publique, la protection de l'environnement, la sûreté nucléaire, le bien-être des animaux, la protection des consommateurs et des données personnelles, ainsi que les infractions aux règles en matière de concurrence et d’aides d’Etat. Le législateur belge n’a malheureusement pas choisi d’inclure la santé et la sécurité au travail, ni la non-discrimination. Par contre, la fraude sociale et fiscale relève du champ d’application de la loi belge. A notre avis, cela devrait permettre de protéger les dénonciations de certaines conditions de travail abusives, telles que le non-paiement des heures supplémentaires en violation de la législation sociale.

Canaux de signalement
Les travailleurs qui obtiennent des informations sur des infractions doivent avoir la possibilité de faire leur signalement en interne (y compris via les représentants du personnel et/ou via les syndicats) lorsque leur entreprise a l’obligation d’établir des canaux internes (voir plus loin). Si l’entreprise n’a pas cette obligation ou lorsque la confiance en l’entreprise est ébranlée, les travailleurs peuvent communiquer leurs informations via un canal externe, c’est-à-dire aux autorités publiques compétentes ou aux Médiateurs fédéraux, qui en assureront le suivi. Il est préférable d’utiliser d’abord un canal de signalement interne ou externe. Mais si aucune mesure appropriée n’a été prise dans un délai raisonnable, ou si la personne a des motifs raisonnables de croire que l'infraction peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public, ou qu’il existe un risque de destruction de preuves ou de collusion d’une autorité publique avec l’auteur de l'infraction, l’information peut être divulguée à la presse (par exemple via un journaliste d’investigation), ou publiée sur internet (et réseaux sociaux).

Canal interne
Les entreprises de 50 travailleurs ou plus doivent établir des canaux de signalement en interne, soit pour le 15 février 2023 (si l’entreprise compte plus de 250 travailleurs), soit pour le 17 décembre 2023. C’est également le cas pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, dont l’activité relève des services, produits et marchés financiers et qui sont visées par les mesures de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Les entreprises de moins de 50 travailleurs peuvent être requises de mettre en place des canaux de signalement en interne à partir d’une analyse de risque adaptée et en tenant compte de la nature de leurs activités et du niveau de risque qui en découle, pour l’environnement et la santé publique, notamment. Les représentants du personnel au CE (Conseil d’entreprise) ou, à défaut, en DS (Délégation syndicale) ou, à défaut, au CPPT (Comité pour la prévention et protection au travail) ou, à défaut, les travailleurs de l’entreprise doivent être consultés au sujet de la mise en œuvre de ces canaux et des procédures de suivi. 

Confidentialité et anonymat
Le canal interne doit garantir la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement ainsi que de tout tiers mentionné dans le signalement. Leur identité ne peut en aucun cas être divulguée, sans le consentement exprès et libre de ceux-ci, à toute personne autre que le gestionnaire de signalement, c’est-à-dire la personne ou le service compétent pour recevoir des signalements et pour en assurer le suivi. 
Les entreprises de plus de 250 travailleurs, les autorités publiques compétentes et le Médiateur fédéral acceptent les signalements anonymes. Si l’identité du lanceur d’alerte est connue par la suite, ce dernier pourra alors prétendre rétrospectivement à une protection.

Suivi
Le canal interne doit garantir que le signalement (verbal et/ou écrit) soit pris au sérieux au sein de l'entreprise, y compris lorsqu’il s’agit d’un signalement anonyme. Il est donc important qu’il soit mis en place de manière à ce que le signalement parvienne rapidement aux responsables de l'entreprise. Le dénonciateur doit recevoir un retour d'information dans les trois mois après l’accusé de réception du signalement (sauf s’il s’agit d’un signalement anonyme).

Protection contre le licenciement
La loi interdit toute forme de représailles à l'encontre d'un dénonciateur. En pratique, évidemment, le risque de licenciement n’est pas à écarter. Un employé qui subit des représailles à la suite d'un signalement effectué conformément à la loi a droit à une indemnisation comprise entre 18 et 26 semaines de salaire. Une exonération de responsabilité est prévue sous certaines conditions, ainsi que des sanctions pour les auteurs de représailles (peine d’emprisonnement et/ou amende). Pour les travailleurs qui signalent une violation en matière de services, produits et marchés financier, la loi prévoit une protection plus importante.

Rôle du syndicat
Vos représentants du personnel et/ou votre syndicat peuvent vous aider à exercer votre droit au lancement d’alerte et à renforcer les voix individuelles et collectives dans l’entreprise, notamment de la manière suivante. 
  • Concevoir, en concertation sociale, un canal de signalement interne adéquat et sécurisé (lorsque cela est prescrit).
  • Vous informer sur vos droits et obligations préalablement à un signalement.
  • Vous conseiller sur la meilleure manière de procéder si vous envisagez de faire un signalement, afin d’éviter que ce signalement soit mal formulé et donc potentiellement mal compris (par exemple s’il n’est perçu que comme doléances individuelles), ou que vous ne preniez de risques inutiles (notamment en cas de signalement non pertinent au regard des domaines couverts par la loi).
  • Former et accompagner en ce sens vos représentants syndicaux (si vous en disposez).
  • Prendre en main les signalements qui relèvent de la compétence d’un organe de concertation (CE, CPPT, DS) : une problématique collective aura davantage de chances d’être prise en compte si elle est soulevée par les syndicats, et cela vous évitera de vous exposer inutilement vis-à-vis de vos supérieurs hiérarchiques.
  • Amplifier la voix du lanceur d’alerte (si celui-ci l’autorise) ou mettre l’accent sur la problématique signalée (plutôt que sur la personne elle-même).
  • Protéger le lanceur d’alerte des représailles, éventuellement par un appui juridique en cas de besoin.
  • Analyser l’efficacité des cas concrets de signalement et de la protection accordée aux lanceurs d’alerte. En ce sens, les représentants du personnel pourraient négocier le fait qu’une fois par an, l’entreprise doit informer et consulter le CE (ou défaut, la DS, ou à défaut, le CPPT, ou à défaut, les travailleurs) sur les signalements reçus et leur faire connaître le suivi apporté par l’entreprise.

Les syndicats peuvent jouer un rôle actif pour améliorer les mesures de prévention, identifier les mauvaises pratiques et découvrir les délits de fraude commis au sein des organisations. Défendre le droit au lancement d’alerte ne doit pas encourager des pratiques de délation parmi les travailleurs de l’entreprise, mais doit permettre de défendre un changement positif de culture : un changement qui encourage la prise de parole des travailleurs, qui améliore la façon dont ceux-ci sont écoutés et qui respponsabilise davantage les entreprises. 

 Jean-François Libotte