Les employés des centres d’appels en première ligne face à la détresse

Nadège, déléguée syndicale, témoigne : « Je travaille pour TOTALEnergies depuis presqu'un an. Mon rôle est devenu plus celui d’une assistante sociale qu'autre chose. La détresse des gens est là, suite à l'impact de la hausse des prix. Dernièrement, j'ai été en ligne avec une dame âgée qui voulait mettre fin à ses jours, elle n'avait ni famille, ni ami. L'appel étant trop difficile à gérer émotionnellement, une responsable l’a pris. Ils ont tout fait pour aider cette femme. La police a été prévenue et est venue aider cette dame avant que nous ne raccrochions avec elle. De mon côté, j'ai pu prendre une pause pour souffler et être soutenue par mes responsables qui savent que la situation est très compliquée et le temps nécessaire m'a été laissé pour souffler et prendre du recul. Malgré ça, la difficulté de notre métier s'accentue car nous ne sommes pas assistante sociale de métier et malheureusement notre quotidien nous demande de l'être, l'impact émotionnel est très dur. »
Un exemple parmi d’autres mais qui témoigne de la difficulté du métier. Auparavant, les agents devaient faire face à l’agressivité des appels. Aujourd’hui, ils doivent en plus faire face à des appels au secours. Au-delà de cette réalité quotidienne, les délégués syndicaux représentant le personnel reçoivent en plus les interpellations de leurs collègues en difficulté qui réclament l’aide et le soutien nécessaire pour pouvoir tenir le coup.
Selon le lieu de travail, les responsables de la gestion du personnel offrent une aide ou non en cas d’appels particulièrement difficiles à vivre. Mais la volonté de ne pas embaucher d’avantage d’opérateurs pour répondre aux besoins et difficultés reste de mise. L’argument principal avancé par les décideurs est partout pareil : « il s’agit d’une crise passagère, conjoncturelle, on ne va pas engager du personnel supplémentaire pour devoir licencier après ». Ces arguments qui semblent s’être généralisés dans tous les call-centers sont, pour la CNE, plus de l’ordre du prétexte et d’une volonté de garder le cap dicté par les objectifs financiers imposés par les conseils d’administration au lieu d’offrir le service et l’aide attendus par les clients des entreprises qui fournissent et, surtout, envoient les factures, sources de toutes les difficultés.
Au-delà des slogans publicitaires qui présentent une image de moins en moins responsable de ces entreprises, nous constatons l’absence totale de volonté pour une bonne gestion de la mission qui devrait être menée par les opérateurs dont le travail est vidé de son sens premier, qui se sentent déconsidérés et abandonnés par leur direction et complètement livrés à eux-mêmes.
Toutes ces situations évoquées renvoient non seulement vers un changement d’attitude nécessaire, plus respectueux des clients et des travailleurs mais aussi à la nécessité de formations spécifiques et adaptées qui incluraient des savoirs être en matière de relations humaines et de communication (empathie, écoute, réaction adéquate). La mise en place d’un soutien réel en entreprise pour les opérateurs (possibilité de transférer un appel trop compliqué ou pénible, un soutien psychologique possible si besoin…) semble nécessaire pour traiter correctement les appels dans le respect des clients et cela, sans que le travailleur ne puisse être pénalisé pour manque de productivité (durée d’appel trop long). Les travailleurs des call-centers ne sont pas des robots !
Décrocher, répondre succinctement à la première question posée et puis raccrocher au nez du client pour pouvoir prendre au plus vite un autre appel en attente ne peut pas être une option envisageable. Il faut au contraire mettre en place des conditions de travail dignes pour tous les opérateurs qui sont confrontés à la détresse des clients. Ces travailleurs sont consciencieux et ils veulent se sentir utiles dans leur travail qui doit avoir du sens et rendre un véritable service aux citoyens qui les appellent.
Gérald Scheepmans