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Geneviève Damas - Celle qui parle d'eux...

Francesca Mantovani pour Gallimard


Elle est comédienne, écrivaine, metteuse en scène, reporter à Lampedusa, notamment. Elle anime des ateliers d’écriture ou de théâtre. Toujours, Geneviève Damas prête ses mots à ceux qui n’en ont pas, ou peinent à les faire entendre. 

Geneviève Damas a été envoyée spéciale pour des journaux quotidiens, à Lampedusa, cette île méditerranéenne où s’échouèrent tant de migrants désespérés. Mais elle en a aussi fait une fiction, un roman tendu et envoûtant, " Patricia ". En trois monologues d’une grande densité, elle donne la parole à Jean Iritimbi, un Centrafricain sans papier, à Patricia, une Parisienne éperdue de solitude, et à Vanessa, rescapée d’un naufrage. 

J’écris pour le Soir et La Libre Belgique, nous dit-elle, et pour chacun, j’ai le statut d’auteur-journaliste. J’avais donc beaucoup de latitudes, mais le journalisme a pour but d’informer et de relater des faits; et oblige donc donc à se mettre un peu en retrait. Dans le roman, je travaille sur l’émotionnel et j’essaie de créer un rapport d’empathie avec le personnage. J’ai l’impression que pour toucher les gens, pour les familiariser avec une certaine réalité, le roman a une vertu d’accélérateur. J’essaie de faire vivre au lecteur une expérience intime, de créer une relation d’empathie, une familiarisation avec l’univers et les problématiques de certains personnages. 

On dit qu’on ne change pas mais notre regard sur le réel, lui, peut changer. L’idée, en écrivant " Patricia ", c’était de dire aux gens qu’être un réfugié économique est quelque chose de terrible. Au moment d’écrire ce livre, il y avait encore ce partage : ok pour accueillir les réfugiés politiques, mais pas les réfugiés économiques, ce n’est pas de chance pour eux, mais cela ne nous concerne pas. Or, on est totalement interdépendants de ces pays-là, notre histoire nous a complètement liés à eux. En faire un roman et mettre le lecteur en état de réflexion et lui faire vivre cette expérience intime, c’est pour moi beaucoup plus fort que si on fait appel à son intellect, à ses facultés critiques qui mettent à distance.  

Quand je cherchais à rencontrer des sans-papiers, j’ai écrit à plusieurs organisations, mais je pense qu’elles étaient très frileuses, très inquiètes de ce qu’un écrivain pourrait dire. Et puis j’ai contacté la cellule des Travailleurs.ses Migrant.e.s avec et sans papiers de la CSC. Tout de suite, il y a eu une confiance. Sans eux, je n’aurais pas pu écrire " Patricia ". Le premier monologue, toute cette réalité de vie, m’a vraiment été inspirée par trois hommes de la CSC, qui ont accepté de me rencontrer. Nous restons d’ailleurs en contact, de loin en loin. Ils ont été d’une immense générosité, ils m’ont ouvert la porte sur leur vie. 

Pour les autres syndicats, un travailleur sans papiers est un travailleur au noir. A la CSC, on considère que c’est un travailleur et que, à ce titre, il doit être défendu. A chaque manifestation, il y a des représentants de cette cellule qui vont manifester pour soutenir les autres travailleurs. Je trouve ça incroyable. C’est fantastique, cet aspect du syndicalisme, c’est ça le grand syndicat pour moi, c’est la grande solidarité. 

A priori, le syndicalisme n’était pas très présent dans ma famille, pour la bonne et simple raison que mon grand-père est mort pendant une grève de médecins, il n’y avait pas de médecin dans l’hôpital. Donc on a un rapport particulier à la grève. Je ne pensais pas que notre famille était engagée sur ce terrain-là, mais un jour quelqu’un m’a demandé si j’étais de la famille de Rémy Damas, un parlementaire et syndicaliste wallon. Quand j’en ai parlé à mon père, il m’a dit " Ah oui ! Rémy le Rouge ! " et donc c’est toute une partie de l’histoire familiale, avec ce cousin très très militant, qui m’est arrivée tard. 

Le syndicalisme, ça recouvre une vertu d’empathie, cette faculté à se mettre à la place de l’autre. Dans notre société, on a tendance, comme le dit Salman Rushdie, à privilégier les identités simples, à considérer que l’on est travailleur, ou chômeur, ou catholique. Si l’on reste juste sur une identité, les risques de conflits sont grands. Pour moi, le syndicalisme relève de cette idée d’identité multiple. On est travailleur, et en même temps, on peut vouloir  défendre la planète. A ce titre, on a des raisons de marcher, de signer, de parler ou d’être assis à côté d’un autre, qui n’est pas le même que soi. Et ça, je trouve que c’est formidable. 

Propos recueillis par Linda Léonard 

Patricia, éditions Gallimard ou en poche chez Folio