"Après la fermeture de Renault Vilvorde, plus personne n'était en sécurité"

Franky Van Rode travaillait chez Renault depuis 1977 et y était délégué CSC. Il revient sur la période mouvementée de la fermeture de l’usine.
Aviez-vous pressenti la tempête qui s’annonçait?
Absolument pas! La pression sur la chaîne ne cessait d’augmenter, des économies étaient réalisées, mais nous pensions qu’il y aurait une réorganisation. Ce 27 février, la journée avait commencé normalement. Jusqu’à ce que quelqu’un nous signale ce matin-là qu’ils retiraient des voitures du parking. Nous avons su alors que nous avions du souci à nous faire. Nous nous sommes immédiatement rendus sur le parking pour bloquer ces transports. C’est seulement à 17 heures que la direction a notifié la fermeture de Renault Vilvorde au conseil d’entreprise. Une heure plus tôt, elle avait déjà informé la presse à l’hôtel Hilton. Les journalistes étaient sur le site de Renault, avant même que le personnel et les délégués syndicaux n’apprennent la nouvelle.
Quelles actions avez-vous entrepris?
Beaucoup trop pour les citer toutes. Nous sommes allés à Amsterdam, à Strasbourg, à Paris, nous avons occupé des parkings en France, nous avons mobilisé près d’une centaine de bus pour aller manifester à Paris. La grande manifestation à Bruxelles, qui a rassemblé 70.000 personnes venues de toute l’Europe, était placée sous le signe de Renault. Lorsqu’une si grande entreprise peut porter un tel coup, alors tout le monde, de la plus petite à la plus grande entreprise, peut craindre pour son sort.
La population et les politiques vous ont-ils soutenus?
Par la population? Absolument! Les boulangers ont apporté des pistolets gratuits, les bouchers ont donné de la viande, les gens ont apporté de la soupe aux piquets, les enfants de diverses écoles et des chorales sont venus nous soutenir, … Ils pensaient aux travailleurs de Renault, la sympathie était énorme. Leur soutien nous a donné du courage.
Les responsables politiques ont défilé. Ont-ils pour autant manifesté leur soutien? Non. Au début, eux aussi étaient indignés, mais leur discours a changé par la suite. «Dans l’intérêt général, l’économie ne doit pas s’arrêter. Les autres entreprises automobiles doivent continuer à fonctionner.»
Lorsqu’il est devenu évident que la direction ne reviendrait pas sur sa décision de fermeture, nous avons pris les devants et nous avons obtenu un plan d’accompagnement social, excellent pour l’époque. Environ 500 personnes ont pu bénéficier d’une prépension. Cela nous semblait être la meilleure solution. Il n’était pas facile de trouver du travail à l’époque, surtout pour les personnes de plus de 50 ans. Mais ceux qui ne percevaient que le chômage et un petit complément se sont retrouvé appauvris.
Ceux qui n’avaient pas pu partir à la prépension et n’avaient pas trouvé un autre emploi ont bénéficié d’un accompagnement individuel. Ils ont également perçu une indemnité financière en fonction de leur ancienneté. La direction promettait aussi de créer 400 emplois sur le site de Renault, avec maintien du salaire.
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