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Les grévistes de la FGTB condamnés : un immense potentiel répressif

Le 19 octobre, la Cour d’appel de Liège a confirmé le jugement du tribunal correctionnel qui condamne dix-sept syndicalistes de la FGTB pour entrave méchante à la circulation. Décryptage avec François-Xavier Lievens, chercheur en droit social à l’UCLouvain. 


Rappelez-vous, en 2014, le gouvernement Michel avait annoncé son programme visant à détricoter nos droits sociaux un par un. La violence des annonces a tendu le climat social et nous nous sommes défendus au travers d’actions interprofessionnelles. Au cours de l’une d’elles, des militants de la FGTB ont bloqué l’autoroute E40 à Liège près du pont de Cheratte. 

François-Xavier, les grévistes ont été condamnés pour « entrave méchante à la circulation ». De quoi s’agit-il ? 

C’est une vieille infraction qui visait au départ à protéger la sécurité physique des personnes, par exemple, si quelqu’un bloque une route en vue de blesser autrui. Mais depuis la modification de 1963, elle sanctionne toutes les personnes qui empêchent intentionnellement la circulation, même sans vouloir nuire à l’intégrité physique. A l’époque, le gouvernement avait dit que cela ne visait pas les mouvements sociaux, mais la pratique actuelle va bien dans ce sens. 

Comment cette infraction est-elle utilisée ? 

Jusqu’en 2016, elle n’était pas mobilisée pour réprimer les mouvements sociaux, à ma connaissance. Les grandes grèves de 2015 ont marqué un tournant : un dirigeant FGTB anversois a été condamné pour le blocage d’une route d’accès au port d’Anvers, et dix-sept syndicalistes liégeois ont été sanctionnés pour le blocage de l’autoroute E40. On constate donc la volonté du Ministère public de limiter la contestation en usant de cette infraction. Et le problème est son immense potentiel répressif : un piquet de grève sur une rue, un sit-in, une action « escargots » (file de voitures roulant au pas), une manifestation sans autorisation de la police, toutes ces actions constituent des entraves à la circulation. Cette infraction porte en elle des germes autoritaires parce qu’elle nie un fait important en démocratie : la liberté d’expression et la liberté de réunion, deux ciments de notre constitution, s’exercent souvent dans la rue parce que c’est là qu’elles sont le plus efficaces. Tout pouvoir légitime a besoin d’une opposition qui dispose de moyens de pression légaux, sinon c’est une dictature. Nous n’en sommes pas encore là, mais cette infraction devrait être supprimée pour éviter les dérives. 

Ne peut-on pas invoquer le droit de grève pour se protéger ? 

Le droit de grève est un droit fondamental dont le champ d’application est contesté. Tout le monde s’accorde à dire qu’il protège l’arrêt de travail, mais peut-on l’invoquer pour tenir un piquet ou pour occuper une entreprise ? Le débat reste ouvert. Et dans celui-ci, les cours et tribunaux sont majoritairement d’avis que le droit de grève ne protège rien d’autre que l’arrêt de travail. C’est très restrictif, et même parfois contraire à nos obligations internationales en matière de respect des droits humains. 

La Cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal correctionnel. Existe-t-il encore une chance ? 

Thierry Bodson, le Président de la FGTB qui fait partie des condamnés liégeois, a annoncé son intention de se pourvoir devant la Cour de cassation. Il y a un vrai enjeu juridique dans les décisions liégeoises : la route a été bloquée par des militants anonymes et les personnes poursuivies l’ont été pour leur présence sur les lieux plusieurs heures plus tard et parce qu’elles ont revendiqué que le blocage était le fait de la FGTB. Or, pour condamner quelqu’un, il faut deux éléments. D’une part, « l’élément moral », l’intention d’entraver la circulation – ce qui était le cas des personnes condamnées, soyons honnêtes. D’autre part, « l’élément matériel », la commission du fait reproché. C’est là que le bât blesse : les personnes condamnées n’ont ni construit la barricade ni mis le feu aux palettes de bois qui bloquaient la route. Leur condamnation me semble donc bancale puisqu’ils n’ont pas matériellement entravé la circulation. Mais cet argument n’a été retenu ni par le tribunal correctionnel ni par la Cour d’appel, et il est très probable qu’il ne le soit pas non plus par la Cour de cassation. 

 Propos recueillis
 par Antoine Arnould