14/09/2021
Vous êtes licencié ? Douze clés pour ne pas se faire avoir

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Traverser un licenciement n’est jamais facile. Face au droit quasi absolu de votre employeur de vous mettre à la porte, le droit social pose tout de même une série de balises.
Celles-ci protègent vos intérêts économiques et sociaux et peuvent vous aider à rebondir.
Petit tour d’horizon des différents réflexes à adopter en cas de rupture de contrat.
I. Formalités du préavis
Notifier un licenciement, cela ne se fait pas comme une lettre à la poste. Plusieurs points d’attention sont cruciaux à cet égard.
I.1 Notification du préavis : votre licenciement doit vous être communiqué, soit par lettre recommandée à la poste (le plus courant), soit par exploit d’huissier. Le document doit contenir au moins deux mentions obligatoires : la date de début du préavis (toujours un lundi), et sa durée (qui dépend de votre ancienneté). Si ces formalités ne sont pas respectées (par exemple, votre employeur vous congédie oralement), le licenciement est irrégulier. Plutôt qu’un préavis à prester, vous aurez alors droit à une indemnité compensatoire de préavis qui correspond au salaire pour la durée du préavis. Votre employeur peut également respecter les formalités et décider de vous licencier avec effet immédiat, sans prestation de préavis, mais moyennant le paiement de cette indemnité compensatoire de préavis. Il est aussi possible qu’une partie de votre préavis soit prestée et que l’autre partie soit payée directement.
I.2 Licenciements particuliers : il existe néanmoins deux situations particulières dans lesquelles vous pouvez être mis à la porte sans préavis à prester ni indemnité compensatoire de préavis. La première situation est celle où vous commettez une faute grave, à savoir un acte qui rend la poursuite de la collaboration professionnelle irrémédiablement et définitivement impossible. Dans ce cas, un préavis doit vous être notifié par lettre recommandée, exploit d’huissier, ou remise d’un écrit contresigné, dans les trois jours suivant la commission de la faute grave (ou de la connaissance certaine de celle-ci par l’employeur). Dans les trois jours suivant le préavis au plus tard, le motif grave doit lui-même être notifié (moyennant le respect des mêmes formalités). La deuxième situation est la rupture pour cause de force majeure médicale. En cas de maladie de longue durée, votre employeur peut démarrer un trajet de réintégration, visant à vous faire revenir au travail moyennant quelques aménagements. Si cette procédure se solde par un échec, votre employeur est autorisé à constater la rupture de votre contrat de travail pour cause de “ force majeure médicale ”. Cette procédure de réintégration est bien balisée afin d’éviter la survenance trop rapide de la rupture unilatérale.
I.3 Motivation du licenciement (CCT109) : en principe, votre employeur ne doit pas détailler les raisons de votre licenciement (sauf en cas de faute grave). Mais il vous est possible de lui adresser une lettre recommandée pour lui réclamer les motifs de votre renvoi, dans les deux mois suivant la fin de votre contrat de travail. Faute de réponse dans les deux mois suivant votre demande, vous avez droit à une indemnité égale à deux semaines de rémunération. Si les motifs vous sont communiqués et qu’ils paraissent manifestement déraisonnables, une contestation en justice est envisageable.
II. Prestation du préavis
Lorsque vous êtes licencié moyennant une prestation de préavis, faites attention aux éléments suivants :
II.1 Exécution normale du contrat : prester votre préavis consiste à exécuter normalement votre contrat de travail jusqu’à la fin du préavis. Pendant cette période, rien n’est censé changer, vous gardez votre fonction, votre rémunération, etc.
II.2 Durée et suspensions du préavis : votre préavis a une durée légale (qui dépend de votre ancienneté), mais il peut être suspendu par toutes les causes ordinaires de suspension du contrat de travail (maladie, vacances, maternité, etc.). Ces suspensions prolongent à chaque fois votre préavis de la même durée que celle de la suspension.
II.3 Congé de sollicitation : pendant les vingt-six dernières semaines de votre préavis, vous avez droit à vous absenter une journée entière (ou deux demi-journées) par semaine pour chercher un nouvel emploi. Ces absences sont rémunérées par votre employeur, et aucune preuve de recherche d’emploi ne doit être fournie. Vous êtes donc libre de votre temps durant cette journée mais nous vous conseillons la prudence, car si l’employeur arrive à prouver que vous vous êtes absenté sans aucun but de recherche d’emploi, il pourrait considérer votre absence comme injustifiée. Si votre préavis dure plus de vingt-six semaines, les premières semaines qui précèdent les vingt-six dernières vous donnent droit à un congé de sollicitation d’une demi-journée par semaine.
II.4 Contre-préavis : si vous désirez abréger votre préavis de licenciement (par exemple, si vous avez trouvé un nouvel emploi), vous pouvez adresser un contre-préavis à votre employeur à tout moment durant votre prestation de préavis. Le contre-préavis a une durée légale comprise entre une et quatre semaines, en fonction de votre ancienneté.
III. Aspects administratifs
À la fin du contrat de travail (lors de votre départ effectif), deux types de formalités doivent être réalisées par votre employeur et vous-même :
III.1 Paiements divers et documents sociaux : lors de votre départ, votre employeur doit vous remettre une série de documents officiels et vous payer plusieurs montants. Les documents sociaux à remettre en format papier sont : le certificat de travail (sur demande du travailleur), le décompte des derniers paiements, le compte individuel de l'année en cours, le certificat de chômage (C4), la fiche fiscale 281.10 et l'attestation de vacances (pour les employés). Votre employeur doit aussi vous payer vos pécules de vacances promérités, vos éventuelles primes proméritées, etc.
III.2 Remise des outils de travail : il n’est pas rare que votre travail implique des " outils " professionnels : GSM avec abonnement, ordinateur, voiture de société, etc. Tous ces « outils » mis à votre disposition pour votre travail doivent être rendus dans l’état dans lequel vous les avez reçus sauf usure normale. En principe, un état des lieux est effectué et un accusé de réception est cosigné par votre employeur et vous.
IV. Après le contrat de travail
Après la fin de votre contrat de travail, deux dernières étapes peuvent vous concerner.
IV.1 Reclassement professionnel : le reclassement professionnel est un ensemble de services et de conseils pour vous aider dans votre recherche d’un nouvel emploi. Vous y avez droit dans trois situations : soit votre préavis dure trente semaines ou plus, soit vous avez au moins quarante-cinq ans et une année d’ancienneté chez votre employeur, soit votre contrat a été rompu pour cause de force majeure médicale. La procédure de reclassement professionnel est payée par votre employeur (sauf dans le cas où votre préavis dure trente semaines ou plus et que vous êtes licencié moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis). Si votre employeur ne vous propose pas d’offre de reclassement, vous devez lui en faire la demande en respectant les délais.
IV.2 Inscription comme chercheur d’emploi : si vous vous retrouvez sans activité salariée ou indépendante, vous devez vous inscrire comme chercheur d’emploi à la fois dans un centre de service de la CSC et dans votre service régional de l’emploi (Forem en Wallonie, Actiris à Bruxelles, VDAB en Flandre, ADG en Communauté germanophone). L'inscription au service régional doit avoir lieu dans les huit jours suivant la fin du préavis, ou dans les deux mois suivant la fin du contrat si vous êtes licencié moyennant indemnité compensatoire de préavis. Quant au centre de service de la CSC, il va constituer votre dossier et vous verser les allocations de chômage.
V. Enjeu transversal : garder les preuves
Vous l’aurez compris, lors d’un licenciement, beaucoup de choses comptent. De nombreuses formalités doivent être respectées, et une pléthore de détails peuvent vous passer sous le nez. Pour éviter de se faire avoir, et afin d’assurer votre protection juridique en cas de procès, le plus important consiste à conserver les preuves de tout ce qui se passe. Ainsi, veillez notamment à bien garder la notification de votre licenciement, les motifs d’une éventuelle faute grave, le reçu de votre recommandé visant à demander la motivation de votre licenciement, les preuves de vos suspensions de préavis, les multiples documents sociaux, les reçus délivrés lors de la remise de vos outils de travail, ou encore les copies de vos demandes de reclassement professionnel. Pensez également à sortir de votre boîte mail professionnelle tous les messages qui pourraient vous permettre de prouver quelque chose (par exemple du harcèlement au travers de mails agressifs), et ce avant la fin de votre contrat, car votre adresse mail sera sans doute supprimée dès votre départ.
François-Xavier Lievens
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