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Travailler plus, ça vous dit ? Les heures supplémentaires " de relance "

L’accord interprofessionnel 2021-2022 a légèrement modifié les règles du temps de travail.  En cause : l’augmentation du quota d’heures supplémentaires volontaires autorisées  de 100 à 220 heures par année civile. Sous couvert de soutenir la relance économique,  vont-elles nous mener à une augmentation collective du temps de travail ?

L es négociations interprofessionnelles pour les années 2021 et 2022 ont débouché sur un accord approuvé par la CSC. Parmi les différentes mesures, l’une était instamment demandée par les employeurs depuis des années : augmenter le temps de travail. Faute de revenir sur la semaine des 38 heures, le patronat a tout de même arraché une modification importante des règles du temps de travail : augmenter le nombre d’heures supplémentaires volontaires. De quoi autoriser les employés à travailler jusqu’à 42,58 heures en moyenne par semaine, en parfaite légalité.  

Heures supplémentaires  volontaires : c’est quoi ça ?  

Pour comprendre le concept d’« heures supplémentaires volontaires », il faut revenir quelques instants sur l’organisation du temps de travail en Belgique1. Brièvement, trois principes peuvent être énoncés pour appréhender notre sujet : 
1.  on ne peut pas travailler plus de 38 heures par semaine ; 
2.  on peut prester des heures supplémentaires dans des situations limitativement énumérées par la loi (accident grave à une machine, par exemple) ;  
3. les heures supplémentaires prestées doivent faire l’objet d’un sursalaire de 50% (l’heure « coûte » plus cher à l’employeur puisque c’est une situation désagréable) et d’un repos compensatoire pour respecter une moyenne de 38 heures par semaine globalement.  

Des milliers d’heures illégales prestées chaque jour  

Ce cadre assez balisé fait cependant l’objet de violations quotidiennes par de trop nombreuses entreprises et organisations de ce pays. En dehors des travailleurs qui pointent (une minorité), la plupart des employés en Belgique travaillent régulièrement en dehors de leurs horaires, et sans rentrer dans les causes de justification qui autorisent la prestation d’heures supplémentaires. Chaque jour, des milliers de personnes effectuent ainsi des heures illégales qui ne sont souvent pas payées. Cependant, en cas de problème, ou lorsqu’un employé en a marre de travailler trop, il peut faire appel à la loi pour régulariser sa situation et rappeler les règles à son employeur.  
 
 
Pour contourner ce cadre juridique, et pouvoir faire prester des heures supplémentaires en toute légalité malgré l’absence de cause de justification, les employeurs ont poussé le précédent gouvernement fédéral à inventer les heures supplémentaires volontaires en 2017. Ce dispositif permet, moyennant l’accord écrit de l’employé, de le faire travailler jusqu’à 100 heures additionnelles par année civile (+/- 2 heures par semaine en moyenne). Le plus grave est que ces heures ne sont pas récupérées sous forme de congé pour respecter la moyenne de 38 heures par semaine, ce qui permet donc officiellement d’augmenter collectivement le temps de travail. Elles font par contre l’objet d’un sursalaire de 50%. Ce système est vicieux parce que, sous couvert d’exiger le consentement du travailleur, il autorise en fait toutes les dérives. Il suffit ainsi à un employeur de menacer son employé de licenciement pour obtenir de lui qu’il signe une convention relative aux heures supplémentaires « volontaires ». Prétendre la sincérité d’un consentement dans une relation hiérarchique, c’est non seulement malhonnête, mais surtout dangereux, en l'occurrence pour le bien-être des travailleurs concernés, sans parler de l’atteinte injustifiable à leur vie privée.  
 
 

Heures supplémentaires volontaires « de relance » : vers  des semaines de 42,5 heures ?  

Pour les années 2021 et 2022, les interlocuteurs sociaux et le gouvernement ont décidé de créer 120 heures supplémentaires volontaires dites « de relance », ce qui porte le total à 220 heures (les 100 heures « version 2017 » + les 120 heures « de relance »). Cela représente donc un surplus moyen de 4,58 heures par semaine (donc une semaine de 42,58 heures). Pour rajouter au scandale, ces 120 nouvelles heures ont deux différences iniques avec les 100 heures initiales : d’une part, elles ne font pas l’objet d’un sursalaire (elles sont payées au salaire ordinaire alors que ce sont des heures inconfortables) ; d’autre part, elles sont privées de la solidarité (elles ne contribuent ni à la Sécurité sociale ni aux services publics).  
 

Importance historique  du temps de travail  

La question du temps de travail est au cœur du mouvement syndical depuis la révolution industrielle. Sortis des campagnes où l’activité était dictée par les saisons, les ouvriers du XIXe siècle se sont retrouvés exploités dans des usines de jour comme de nuit, sous l’empire d’un code civil qui ne protégeait que les propriétaires. Dans les périodes les plus sombres, ces « damnés de la terre » passaient 16 heures par jour au travail, 6 jours par semaine. Le mouvement social, les travailleurs et les syndicats se sont rapidement mobilisés contre cette aliénation. À l’époque, déjà, les employeurs disaient que l’industrie belge serait moins productive, moins compétitive, et que la réduction du temps de travail mènerait à la ruine du pays. Argument inepte : la durée légale d’une semaine de travail n’a fait que se réduire jusqu’en 2000, sans aucun impact sur l’économie belge. Dès la fin du XIXe siècle, le mot d’ordre était « 8 heures de travail, 8 heures de loisirs, 8 heures de repos ».  

Le projet patronal :  l’augmentation collective  du temps de travail  

De victoire syndicale en victoire syndicale, nous avons réduit la semaine de travail à 38 heures (et 5 jours) en 2000. Depuis lors, le mouvement cale, voire régresse. En effet, la durée moyenne de travail effectif d’un employé à temps plein augmente en Belgique depuis quelques années. Le maximum légal de 38 heures n’a pas bougé, et c’est donc du côté des heures supplémentaires qu’il faut trouver l’explication. Souvent prestées illégalement, ces heures explosent depuis la crise économique de 2007, au point qu’on peut presque parler d’augmentation collective du temps de travail. Les heures supplémentaires volontaires ont pour objectif de légaliser et d’accroître ce mouvement. Il s’agit d’un renversement de la tendance historique. C’est en cela que ce nouveau dispositif est particulièrement dangereux : il vise tout simplement à agrandir le pouvoir de votre employeur sur votre vie.  

Notre horizon : la réduction collective du temps de travail  

L’urgence aujourd’hui est à la réduction collective du temps de travail. Cela peut se faire de plusieurs manières : réduction du nombre d’heures de travail par semaine, réduction du nombre de jours de travail par semaine, augmentation du nombre de jours de vacances annuelles et de jours fériés.  
 
Pour commencer par les congés, nous gagnerions à regarder l’Espagne. Les travailleurs ibères ont droit à 30 jours de vacances annuelles (6 semaines donc) et à 14 jours fériés, soit 44 jours de congé par an. La Belgique, avec seulement 30 jours (20 de vacances annuelles et 10 jours fériés) se trouve être un des pays européens les moins dotés de congé (même la Roumanie en a 35 !).  
 
Le nombre d’heures de travail par semaine peut aussi être diminué avec succès. En Belgique, nous avons plusieurs grands secteurs économiques où le temps de travail est de 35 heures maximum par semaine, notamment dans la grande distribution. Rien ne s’oppose à l’extension de ce régime à l’ensemble des employés en Belgique. Au contraire, les expériences menées en ce sens montrent que les arguments sont nombreux : hausse de la productivité horaire, amélioration du bien-être et de la convivialité au travail, diminution du stress, optimisation de l’organisation du travail, etc. Mais surtout, augmentation de votre liberté.  
 
 
Il est aussi possible de réduire le nombre de jours travaillés par semaine. Il s’agit d’une tendance mondiale à l’œuvre dans de nombreux pays. L’Islande a ainsi mené des expériences entre 2014 et 2019 qui ont montré les bienfaits de ce système pour les travailleurs comme pour les employeurs. D’autres pays lancent des projets-pilotes, comme l’Espagne cette année, où le gouvernement organise la semaine de 32 heures en quatre jours au sein de 200 entreprises employant entre 3.000 et 6.000 personnes. Et d’autres pays comme la Finlande ou la Nouvelle-Zélande ont également fait des annonces dans le sens de la semaine de 4 jours. Il ne nous reste qu’à suivre le mouvement.  
 
 
Alors, vous êtes plutôt augmentation ou réduction collective du temps de travail ?  
 
 
François-Xavier Lievens