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Manon Lepomme - Celle qui crachait sa valda

Elle ne mâche pas ses mots, Manon Lepomme. Ni à la radio, dans ses chroniques, ni dans son spectacle. Et pourtant l’émotion est là, juste derrière…  

« J’ai toujours adoré aller dans les manifs », nous confie-t-elle, « moi, dès qu’on peut gueuler, je suis contente. Mes parents étaient tous les deux enseignants, mon père a même été délégué syndical. Un milieu pas forcément aisé mais pas défavorisé non plus. Classe moyenne. Depuis toute petite, je savais que je voulais monter sur scène, mes parents m'ont dit que je devais d’abord avoir un vrai diplôme. Du coup, j'ai fait sciences politiques pendant cinq ans. Après ça, j’ai travaillé dans une ASBL de transport adapté pour les personnes à mobilité réduite. Et puis, j'ai été prof d'anglais et néerlandais pendant trois ans. J’avais des collègues qui trouvaient qu'être syndiqué n'avait aucun intérêt et que manifester pour avoir une meilleure pension ne faisait pas partie de leurs priorités. Je suis hallucinée par ce genre de comportement ! Il faut savoir que, notre génération, on se dit régulièrement que, nous, une pension on n'en aura peut-être pas, ou alors à 80 balais. Du coup, on a une vision pas très joyeuse de l’avenir. »  
 
« Quand le confinement a commencé », poursuit-elle, « on imaginait qu’il durerait deux semaines. Je travaillais beaucoup et je me suis dit que deux semaines de pause, ce serait super. Au début, on se dit : je vais faire autre chose, je vais lire… Je n’ai jamais autant rangé ! Et puis, un moment, j’ai trouvé que ça devenait quand même un peu long. Je devenais un peu dingue et donc j'ai dû trouver d'autres façons de voir des gens et de travailler. Je suis allée vendre des fraises dans une ferme pas très loin de chez moi, j'ai appris des trucs sur l'agriculture et sur les fraises, mais surtout ça me permettait de voir du monde et de garder un rythme. »  
 
« On a pu jouer au théâtre un peu en septembre, octobre mais, depuis novembre, il n'y a plus rien et là c'est très dur. Je n'aime pas faire cette comparaison-là, mais je comprends clairement la situation que peuvent vivre certains chômeurs de longue durée qui n'arrivent plus à se remettre à travailler. Je comprends, je n'ai plus envie de rien faire. Et encore, je ne peux pas trop me plaindre parce que j'ai ce droit passerelle qui permet de m'en sortir. Et puis je ne suis pas seule, j'ai un compagnon. Je n'ose même pas imaginer dans quelle détresse psychologique doivent se retrouver les gens qui sont seuls. »  
 
« À un moment donné, il faut arrêter de se foutre de la gueule des gens ! J'avais décidé de ne plus m’énerver, mais rien que d'en parler, ça m'énerve déjà ». Et là, elle s’emporte : « Ce mépris de certains politiques ! Enfin, le mot culture, ça fait combien de temps que l'on ne l'a plus entendu dans une conférence de presse ? Et puis faire une distinction entre essentiel et non-essentiel, c'est horrible ! Vous dites à des centaines de milliers de gens : vous, là, ce que vous faites, ce n'est vraiment pas utile à la société. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Qu'est-ce que c'est que cette façon de parler aux gens ? Au lieu de parler de secteurs à risques et secteurs non-à risque, ce qui change tout dans la manière d'exprimer les choses et surtout la manière dont les gens vont les recevoir. Et on va aller me faire croire que c'est plus à risque d’aller au théâtre et de respecter les mesures sanitaires que d'aller s'entasser à 50 dans un bus ou dans un métro ? Je crache un peu ma Valda, là, mais en fait c'est impossible de ne pas s’énerver. La considération du monde politique est pathétique, elle est répugnante. Au début du confinement, en mars, on allait retourner à l’essentiel, à des valeurs superbes et là, maintenant, on en est à dénoncer les voisins qui invitent quatre personnes à souper. Je ne sais pas comment va être le monde d'après. Je ne sais même pas s'il y aura un monde après. En fait, c'est ça qui fait un peu peur. »   
  
Propos recueillis par Linda Léonard