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Un collectif pour les coursier-e-s

son Customer Service à Madagascar. Ce collectif s’est formé en 2016 suite à la faillite de Take It Easy (une plateforme de livraison de plats à domicile similaire à Deliveroo), et vise à organiser les coursiers des différentes plateformes (UberEats, Deliveroo, TakeAway, etc.).

 Sans prétendre le récupérer, car les travailleurs doivent d’abord s’organiser par eux-mêmes, la CNE et CSC Transcom soutiennent la formation et le développement de ce collectif. Il faut souligner le courage des coursiers qui s’organisent et s’expriment dans la presse car la plateforme peut à chaque instant décider de les déconnecter, sans préavis ni indemnité. L’objectif du collectif est de créer un canal de négociation collective entre les coursiers et leur donneur d’ordre. Ce n’est pas évident ; les plateformes ont comme première réaction de refuser, puisqu’elles ne veulent pas apparaître comme le « patron » des coursiers supposés être indépendants. Mais on ne peut pas être à la fois « cool » et refuser la discussion.

 On ne va pas répéter ici tous les vices de l’économie de plateforme en termes de condition de travail (précarité et intermittence, flou légal, faible rémunération, couverture insuffisante ou absente en cas d’accident du travail, etc.) mais se pencher sur trois points particuliers.


Quand je veux ou quand je peux ?

Deliveroo vante l’avantage, pour le travailleur, de ne travailler que quand il le veut. Certes, le livreur décide quand il se connecte, mais il n’a aucune garantie de pouvoir travailler. En réalité, comme tout un chacun peut s’inscrire comme livreur, et que l’offre de travail est bien supérieure aux besoins, il n’y a quasiment aucune chance de recevoir une affectation « à la minute », quand on le demande. Deliveroo fait ses prévisions et met les shifts en disponibilité 10 jours à l’avance. Ceux-ci sont pris d’assaut et réservés en quelques minutes. Loin donc de travailler quand on le veut, on travaille quand on le peut.

 La plateforme ne joue pas le jeu de la flexibilité qu’elle vante ; elle ne prend pas le risque de ne pas avoir assez de livreurs ou l’inverse, d’en avoir de trop. Sécurité pour le donneur d’ordre, flexibilité pour le livreur. Il est ironique de constater que, pour mieux s’organiser, Deliveroo préfère travailler en « shifts fixes » avec les livreurs qu’elle juge les plus fiables. Ainsi on en revient à une situation de quasi-salarié, ou de salarié à sens unique : les obligations (astreintes d’horaires, obligation de régularité et de fiabilité, …), mais pas les droits qui vont de pair. Croire que les entreprises ne voudraient plus de salariés est donc un mythe. Elles ne veulent plus des droits du salarié, mais elles veulent toujours de la subordination et de la contrainte du travailleur.


Qu’est-ce qu’un salaire ?

L’économie de plateforme rajoute une couche de confusion. Lorsqu’il voit le revenu qu’il peut percevoir (moyennant une flexibilité totale 7j/7, jusqu’à minuit et avoir la santé pour travailler 60 heures par semaine), le coursier y voit un job facilement et rapidement rémunérateur. C’est oublier un certain nombre de « détails ». Les cotisations sociales et les impôts pour ceux qui ont le statut d’indépendant (qui souvent ne viennent qu’après coup) ; les coûts du matériel que le coursier doit amener et entretenir à ses frais (vélo, équipement, abonnement GSM de haute capacité, smartphone) ; le risque de perte de revenu en cas d’accident ou de maladie, et les indispensables assurances. Pour ceux qui passent par SMart, l’encadrement légal est un peu plus clair et les risques contrôlés, mais restent les frais d’équipement et le risque d’incapacité de travail.

 Ceci nous rappelle que la rémunération d’un travailleur ne se limite pas à son salaire net ni même brut, mais comprend aussi tous les droits à la sécurité sociale que son travail génère.

 Les travailleurs doivent d’abord s’organiser eux-mêmes La CNE et CSC Trancom sont très attentives à ne pas absorber l’organisation autonome des coursiers. Ceux-ci ne se voient pas en travailleurs « comme les autres ». Il y a une aspiration à l’autonomie et à l’absence de contraintes qu’un syndicalisme traditionnel, habitué au cadre du contrat de travail, pourrait mal entendre. Avec le réflexe naturel de caser les choses dans les moules, on pourrait passer outre une originalité inspirante.

 Quoi qu’il en soit, le syndicalisme est toujours parti de la base et de l’organisation des travailleurs par eux-mêmes, chacun avec ses spécificités. Il n’aurait pas de sens ni sa force s’il n’était pas bâti sur les délégués et militants sur le lieu de travail, qui seuls connaissent les enjeux du terrain et qui seuls ont la légitimité de formuler leurs propres aspirations.

 Le défi de cette prétendue « nouvelle » économie est sans doute de nous ramener justement au syndicalisme des origines, avec la faiblesse de ne pas disposer des outils institutionnels bâtis depuis, mais avec la force d’en revenir au sens même de l’organisation des travailleurs, par eux-mêmes et pour eux-mêmes.



Martin Willems