Publi-fin et Publi-part sont dans un bateau…
Depuis deux mois, la presse nous abreuve jusqu’à plus soif des scandales Publi-Fin, et du jumeau flamand Publi-Part : des élus ont touché des revenus importants pour ne rien faire. En langage courant, ils ont simplement, profitant de l’anonymat, piqué dans les caisses. Souhaitons que les profiteurs soient rapidement et durement sanctionnés, que les partis qui ont parrainé (comme on dit dans la mafia) ces pratiques prennent les mesures pour les rendre impossibles, et examinons deux autres aspects du problème.
Tous pourris ?
La répétition de scandales de ce type, et le cynisme des responsables (depuis Louis Michel qui estime que si on ne gagne pas 4.800€ net on n’est pas digne de représenter des citoyens, jusqu’à André Gilles ou Stéphane Moreau qui tombent mystérieusement malades dès qu’ils doivent rendre des comptes) donnent le haut-le-cœur. Et une saine colère peut nous donner envie de tout envoyer au diable, de s’écrier que les politiques sont « tous pourris ». Or, même compréhensible, cette colère-là n’est pas bonne conseillère.
Non, tous les politiques ne sont pas pourris ; non tous les partis n’ont pas organisé et parrainé la mafia de Publifin. Beaucoup d’hommes et de femmes s’investissent honnêtement dans leur commune, dans un parti, dans un parlement, pour défendre leurs convictions. Y compris des convictions opposées à celles de la CNE : c’est normal dans une société où les intérêts des uns ne sont pas ceux des autres. Notre boulot de citoyen-nes est de faire le tri, de ne pas renouveler la confiance aux « pourris », de voir quels partis luttent vraiment contre la gangrène de la corruption. Un temps pour la colère, OK ; mais ensuite vient le temps de la réflexion. Se cantonner dans un « tous pourris », c’est démissionner de notre rôle. Qui est de se demander si tel candidat est honnête… mais surtout quels intérêts il défend ! La politique a besoin d’honnêteté, mais les élections sont la confrontation d’intérêts différents, pas un concours de morale.
Publi-rien ?
Venons-en à une autre dimension du problème, peu ou pas commentée jusqu’ici. Au plus fort du scandale Publi-Fin, on a pu entendre un poids lourd du PS avancer une solution-miracle : « privatisons tout ce bazar, mettons le en Bourse, et il n’y paraîtra plus ». La charité commande de ne pas rappeler le nom de ce génie du football-panique, mais sa solution ressemble à celle d’un médecin qui proposerait de tuer le malade pour effacer les symptômes.
Car à quoi servaient ces structures publiques avant d’être utilisées comme poules aux œufs d’or par des mandataires cupides ? Elles servaient – elles servent encore, malgré les pratiques mafieuses de leurs dirigeants – à organiser la distribution d’énergie et d’eau, puis plus tard de connections câblées, aux ménages des communes associées. Supprimer les intercommunales, comme certains le veulent soudain, serait-ce arrêter de distribuer câble, eau, gaz et électricité aux familles ? Evidemment non : ce serait confier ces missions au privé... et casser l’outil construit il y a 40 ans pour permettre un contrôle public de secteurs stratégiques de l’économie. Bien sûr, les rémunérations pharaoniques, les rentes aux copains et le je-m’en-foutisme échapperaient alors au contrôle démocratique (pour rappel, c’est un échevin, un élu, un homme politique donc, qui a révélé le scandale Publifin) et disparaîtraient dans l’opacité de la gestion privée. Bien sûr, les pontes des grands partis pourraient alors se laver les mains de tous les problèmes : « Je n’y suis pour rien, c’est une société privée »…
Mais à la CNE nous avons une autre vision de l’économie et du bien commun. Nous voulons une « biodiversité » des acteurs économiques. Des entreprises privées marchandes, ok. Mais aussi des coopératives. Et des associations non-marchandes. Et des acteurs publics ! C’est pour ça que Belfius doit rester (ou plutôt : redevenir) une banque publique.
Ce dont nous avons besoin en Wallonie et à Bruxelles aujourd’hui, ce n’est pas d’une fuite en avant dans la privatisation et la marchandisation de tout : c’est de renforcer à la fois des acteurs publics pouvant intervenir dans les secteurs importants et le contrôle du public sur la saine gestion de ces structures. Pour cela, il faut des politicien-nes honnêtes, épargnés par l’épidémie de cupidité maladive ; et il faut des organisations qui exercent un contre-pouvoir et un contrôle effectif. La CNE – grâce à vous – est aussi là pour ça.
Felipe Van Keirsbilck,
Secrétaire général.