Chronique juridique : Rupture de contrat pour force médicale majeure
Votre employeur et/ou vous pouvez mettre fin à votre contrat de travail. Non sans respecter de strictes conditions. Faisons le point afin d’éviter d’ajouter des difficultés à une période d’incapacité déjà éprouvante en elle-même.
Avant tout, rappelons un principe : en aucun cas une incapacité n’autorise votre employeur à vous licencier ou ne vous oblige à démissionner. Cependant, dans les cas dits de « force majeure médicale », le contrat d’une personne en incapacité peut être rompu, moyennant le respect de certaines conditions. Nous vous les présentons dans cette chronique, afin que vous puissiez les utiliser pour vous défaire d’un contrat à la source d’ennuis de santé… ou vous protéger d’un employeur qui souhaite vous écarter à moindres frais.
Qu’est-ce que la force majeure médicale ?
Votre contrat peut être rompu pour force majeure médicale si les deux conditions suivantes sont remplies :
1. Vous souffrez d’une incapacité définitive : en aucun cas l’incapacité ne peut donc être temporaire (quelques jours ou mois).
2. Cette incapacité vous empêche définitivement d’exécuter le travail convenu : vous n’êtes plus en mesure d’exécuter vos tâches professionnelles et/ou de travailler durant la durée convenue (ex. vous êtes incapable de travailler à temps plein, alors que votre contrat le prévoit).
Notez que l’incapacité ne doit pas être totale. Elle peut être partielle. Un travailleur sur écran qui souffre de graves troubles de la vision peut être considéré comme définitivement « incapable » d’exercer les tâches convenues. Même s’il est capable de se déplacer, de suivre des réunions, etc.
Des procédures strictes
Depuis le début des années 2000, diverses réformes visent à vous maintenir le plus longtemps possible au travail. En quinze ans, des procédures complexes ont donc été mises en place pour éviter au maximum les ruptures du contrat de travail pour force majeure médicale. Dans la majorité des cas, les avis de plusieurs médecins s’imposent. Les procédures exigent aussi souvent d’étudier les possibilités de réaffectation du travailleur à un autre poste dans l’entreprise.
Les quelques lignes qui suivent ne détailleront pas les diverses procédures. En effet, ces dernières sont complexes. Qui plus est, elles varient selon que le diagnostic est posé par le médecin du travail, le médecin conseil de votre mutuelle ou votre médecin traitant (votre médecin de famille). Enfin, l’interprétation des textes de loi qui encadrent les procédures fait l’objet d’interprétations diverses.
Retenez que la rupture d’un contrat pour force majeure médicale est encadrée par des balises strictes. Si vous êtes confrontés à cette hypothèse, ne prenez pas le risque de vous aventurer seuls sur ce terrain piégeur… et encore moins en suivant aveuglement les instructions de votre employeur ! Au cas où vous envisagez cette hypothèse ou constatez que votre employeur y songe, prenez contact avec nos services dans les plus brefs délais. Ils vous indiqueront la procédure adaptée à votre cas et vous conseilleront tout au long de celle-ci.
Incidence sur votre contrat de travail
Au terme de la procédure, votre contrat n’est pas automatiquement rompu. En effet, vous et/ou votre employeur devez encore constater la rupture pour force majeure médicale par écrit. A l’inverse d’une démission ou d’un licenciement, le contrat sera rompu sans préavis ni indemnité. Il faut donc s’assurer de l’existence de la force majeure médicale pour éviter qu’une partie demande la requalification de la rupture du contrat en démission ou licenciement (entraînant préavis ou indemnités).
Pour ce faire, nous vous conseillons de laisser votre employeur rompre lui-même le contrat. Ceci vous assurera qu’il ne contestera pas la démarche par la suite. Si toutefois vous l’actez vous-même unilatéralement ou de commun accord avec votre employeur, assurez-vous que la procédure a bien été respectée, afin que votre employeur ne puisse pas demander la rupture du contrat soit qualifiée de démission ou rupture de commun accord (entraînant préavis ou indemnités). Comme pour chaque acte de rupture, veillez aussi à ce que la convention que vous signez préserve tous vos droits (versement des pécules de vacances, des arriérés de rémunération éventuels, etc.).
Attention à vos droits au chômage
Vous entendrez parfois que rompre un contrat pour force majeure médicale est simple comme un jeu d’enfant. Ce n’est pas faux. Il est possible d’acter la rupture pour force majeure médicale sur base d’un simple certificat d’incapacité définitive établi par votre médecin traitant, sans respecter les procédures strictes évoquées ci-dessus. Vous serez peut-être tenté de recourir à cette option, puisqu’elle permet de rapidement mettre fin au contrat à l’origine de vos problèmes de santé. Ou parce que votre employeur exerce une pression pour que vous optiez pour cette « solution » rapide.
Nous vous déconseillons de procéder de la sorte. En effet, cette hypothèse présente un risque en matière d’accès aux allocations de chômage. En cas de rupture pour force majeure médicale, l’ONEM peut vous faire examiner par un de ses médecins, avant de décider de vous octroyer vos allocations. Si le médecin mandaté par l’ONEM ne diagnostique pas une incapacité définitive, l’ONEM peut vous exclure temporairement du droit aux allocations.
Nous vous conseillons donc vivement de respecter les procédures plus strictes. Elles n’empêchent pas l’ONEM de vous soumettre à l’examen d’un médecin mandaté. Mais, elles impliquent généralement plusieurs diagnostics médicaux. Il y a donc moins de chances que le médecin de l’ONEM contredise un même diagnostic posé par plusieurs autres médecins que le seul diagnostic de votre médecin traitant. Méfiez-vous donc des raccourcis risqués.
Bientôt du changement ?
Le gouvernement planche actuellement sur son projet de réintégration des malades de longue durée. Si les discussions aboutissent, il y a de fortes chances que ce projet de « Back to work » introduise d’importantes modifications en matière de force majeure médicale. Nous vous tiendrons évidemment au courant !
Pour plus d’informations au sujet de « Back to work », nous vous renvoyons au Droit de l’employé d’octobre 2015.
Des difficultés financières ?
Dans certains cas, vous pouvez être considéré comme apte au travail par l’INAMI (parce que votre taux d’incapacité se situe sous les 66% requis), mais dans l’incapacité d’exercer le travail convenu. Dans ce cas, vous ne bénéficiez plus d’indemnités d’incapacité de votre mutuelle et n’êtes pas non plus rémunéré par votre employeur. Si vous êtes confronté à cette difficulté, prenez contact avec nos services. Nous nous chargerons de régler ce problème avec les administrations compétentes.

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