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Tax shift du gouvernement Michel

Verdict : cela s’annonce être un désastre pour les citoyens, pour le maintien d’une sécurité sociale et de services publics forts et de qualité. Analyse.



Si les impôts sont essentiels pour financer les services collectifs, il ne fait pas de doute qu’ils sont aujourd’hui mal répartis : les travailleurs et travailleuses contribuent beaucoup, le capital, presque pas. Le « tax shift » ou « glissement fiscal », permettant de répartir autrement la fiscalité, était donc l’un des plus attendus. C’était d’ailleurs l’une des revendications défendues par le front commun syndical avant même l’instauration du gouvernement Michel. Ce dernier a finalement présenté son projet de tax shift le 23 juillet dernier. Après une étude approfondie, on peut dire que l’objectif d’une fiscalité juste et équitable est loupé.


 L’examen du tax shift porte sur deux dimensions : d’une part, à quoi va servir l’argent dégagé, ce que le gouvernement va financer grâce au tax shift, et d’autre part, d’où le gouvernement tire l’argent pour financer les mesures, qui participe au financement du tax shift et à quelle hauteur. Vous le verrez, l’analyse des grandes lignes ne ment pas. Le tax shift s’annonce injuste, inéquitable et inefficace.

 

En savoir plus

Le Réseau Justice fiscale

 

 

Injuste, inéquitable et inéfficace

Le financement trouvé est pour le moins suspect : 59% des mesures concernent les citoyens (en comptant l’enveloppe bien-être), et ceux-ci paient directement 53% du tax shift en sacrifiant la sécurité sociale, en voyant leurs pouvoirs publics et l’Etat amputé. Presque l’entièreté du « cadeau », ni défini ni garanti, présenté par le gouvernement Michel aux bas et moyens salaires provient des travailleurs eux-mêmes. Qui plus est en détricotant services publics et sécurité sociale, ainsi qu’en passant par la TVA et les accises, ce sont ces mêmes bas et moyens revenus qui contribuent le plus durement à l’effort.

 Le reste du financement aurait, à tout le moins, dû provenir de manière aussi directe du capital. Ce n’est pas le cas : de manière directe, le capital ne contribue que pour 9%, soit trois fois moins que les mesures d’austérité en sécurité sociale et services publics. Le reste du financement du tax shift provient majoritairement de sources quantitativement incertaines... qui se transformeront sans doute une fois de plus en mesures d’austérité.

Inefficace

Le tax shift finance des mesures complètement inadaptées à la situation économique, tant pour les entreprises que pour les citoyens. Les grandes entreprises ne sont pas contraintes de créer de l’emploi ou de l’activité avec la manne financière reçue et rien n’indique que la mesure sera efficace.

 Les tendances penchent même vers le contraire. Sur les dernières années, l’immense majorité des emplois créés l’ont été dans les secteurs non marchands (services à la personne) et donc grâce à des emplois subsidiés. Les réductions successives de cotisations sociales n’ont rien changé à la création d’emplois dans le secteur privé. En France le pacte de responsabilité est similaire : réduction de cotisations dans l’espoir de créer de l’emploi. Les résultats tardent à voir le jour. Et pour cause, ce ne sont pas les réductions de cotisations qui créent l’emploi, ni même les entreprises elles-mêmes. Si leur carnet de commandes est vide, si les conditions macroéconomiques ne sont pas réunies, alors elles n’ont pas intérêt à embaucher. Il y a fort à parier qu’en l’absence d’une conjoncture favorable, l’argent donné ici aux entreprises ne servent qu’à améliorer leurs comptes de résultats.

 De plus, en s’attaquant frontalement à la sécurité sociale et donc aux secteurs du Non marchand, le gouvernement affaiblit un des rares secteurs porteurs d’emplois et de création de valeur ajoutée en bonne santé dans ce pays. Il se coupe d’investissements bienvenus dans un secteur en croissance, que ce soit dans les infrastructures, dans les besoins de services à la personne à remplir ou dans les moyens humains à consacrer.

 Inefficace enfin, car en privant de pouvoir d’achat les citoyens, en affaiblissant la protection sociale, le gouvernement affaiblit les travailleurs eux-mêmes, et par conséquent la demande intérieure. En poursuivant les politiques d’austérité sous le prétexte d’un tax shift, le gouvernement hypothèque l’optique d’une reprise économique durable.
 

 

 

Mesures financées par le tax shift

Le gouvernement a triomphalement présenté le tax shift du mois de juillet comme un vaste plan à plus de 7 milliards. Avant toute chose, nuançons ce chiffre. En réalité, certaines mesures avaient déjà été annoncées (en gris dans le tableau) : le pacte de compétitivité (réductions de cotisations diverses) et mesures pour les start-ups annoncés sous Di Rupo et confirmés par Michel, quelques mesures pour le pouvoir d’achat des indépendants et des bas salaires ainsi que l’enveloppe bien-être. Ces mesures sont d’ailleurs parfois nommées dans la presse « tax shift 1 » par opposition à celles nouvellement décidées ce 23 juillet 2015, appelées « tax shift 2 ». Ainsi, le nouveau tax shift pèse pour moitié (51%) de l’ensemble présenté par le gouvernement. Le reste est composé à 17% de l’enveloppe bien-être et à 32% de l’ancien tax shift.
 D’une part, il est assez curieux de représenter a posteriori des mesures annoncées comme soutien aux entreprises ou à une population comme un tax shift. Cela semble seulement servir à gonfler les chiffres du plan. D’autre part, annoncer l’enveloppe bien-être comme partie d’un tax shift est a minima un abus de langage : il s’agit d’une mesure sociale, impulsée par les interlocuteurs sociaux, encadrée par une loi issue du gouvernement précédent et qui ne relève pas de la volonté d’un tax shift de ce gouvernement.

Tab Ce que l'on fait avec l'argent

 

Priorité aux grosses entreprises

En considérant l’ensemble du tax shift présenté par le gouvernement, les travailleurs avec ou sans emploi bénéficient de 58,9% du tax shift (soit 4,254 milliards) et les entreprises de 41,1% (soit 2,970 milliards). Mais si l’on se concentre sur le tax shift 2, alors 46% du montant va aux citoyens et 54% aux entreprises.

 Du côté des nouvelles mesures prises pour les travailleurs, il y a de quoi être effrayé. Nous n’avons en effet aucune certitude que les bas salaires bénéficieront réellement des mesures annoncées en leur faveur. Plus encore, ce geste cache mal une autre réalité : le financement du tax shift est essentiellement porté de manière uniforme par les citoyens, travailleurs avec ou sans emploi. Ainsi, ce que le gouvernement semble ici donner d’une main à ces bas et moyens salaires, il le reprend de l’autre.

 Du côté des mesures destinées aux entreprises, 6% du tax shift 2 va en réduction de cotisations patronales (soit 1,320 milliards), 12% pour les indépendants et 6% pour d’autres mesures. Il est désormais visible aux yeux de tous que ce gouvernement privilégie les grandes entreprises, par des réductions linéaires de cotisations avec un impact incertain sur l’emploi, en défaveur des petites entreprises et des indépendants.

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Financement du tax shift

Apriori, le gouvernement souhaitait réaliser un tax shift équitable et social pour contrebalancer les mesures d’austérité imposées par le niveau européen et subies avec une dose de bonne volonté. Le seul constat que l’on puisse faire est qu’il s’agit d’un échec cinglant : pas de tax shift équitable ou social à l’horizon. Une majorité du financement du tax shift pèse directement sur le citoyen contribuable belge, en lui ponctionnant directement son pouvoir d’achat et en affaiblissant les services publics et la sécurité sociale. Une minorité du financement du tax shift pèse de manière directe sur le capital. Le gouvernement évite soigneusement de faire contribuer le capital de manière significative et durable.

Le financement du tax shift provient avant tout d’économies dans la sécurité sociale (22,8%), puis d’augmentation d’impôts indirects tels les augmentations de TVA et d’accises (21,7%), ensuite de la fiscalité non liée au travail (dont une partie seulement provient du capital). Ensuite, le gouvernement va puiser des ressources issues des charges d’intérêts (12,7%), puis d’un effet retour escompté des mesures du tax shift, estimé à 8% du financement, ce qui semble plus qu’ambitieux. Enfin, le gouvernement attend des ressources d’une régularisation fiscale (une quatrième déclaration libératoire « unique ») et de revenus fiscaux divers (4,4%) ainsi que d’une amende au secteur de la distribution pour entente illégale (2,3%).

TAb TAXES D'ou vient


 

Sur le dos des citoyens

On constate ainsi que 31% du financement du tax shift provient de mesures d’austérité. Avec d’abord de nouvelles économies ponctionnées dans la sécurité sociale : 5% du financement du tax shift (385 millions €) proviennent de nouvelles économies dans les soins de santé et mutuelles, 9% (700 millions) sont des mesures d’économie en matière de sécurité sociale que doit encore définir le gouvernement, 4% (293 millions) concerneront les chômeurs et 4 autres pourcents dans des domaines divers de la sécurité sociale. Ce principal poste de financement du tax shift n’a pourtant été mentionné dans aucune communication du gouvernement. L’attention médiatique qu’il a réussi à attirer sur des mesures symboliques ( taxe sur la spéculation, taxe caïman, pourtant respectivement 14 fois et 1,5 fois plus faibles que les économies exigées sur les soins de santé) ont efficacement servi de cache-sexe aux nouvelles coupures dans la sécurité sociale.

Ensuite, 9% du financement du tax shift (650 millions €) concernent la diminution des dépenses de l’Etat (appelée pudiquement « Redesign » et « Prudence budgétaire renforcée sur les dépenses primaires »).

Ces économies ne sont pas du salaire poche directement retiré mais enlèvent de la qualité de soins, de services publics, de protection sociale et coûteront au final aux citoyens à bas et moyens revenus. Elles augmenteront sans doute les inégalités déjà existantes.

Le second poste de financement du tax shift, hausse de la TVA sur l’électricité et accises, constitute 22% du total. Mesures d’austérité sur les moyens collectifs et hausse de TVA/accises financent donc à eux seuls 53% du tax shift ! Ce n’est ni le capital, ni les entreprises qui passent à la caisse mais bien le contribuable.


Grand épargné : le capital

On pourrait s’attendre à ce que le capital contribue pour les 47% restant du financement du tax shift. En réalité, le capital participe directement à hauteur de 9% du tax shift (4% pour la taxe caïman, 5% pour le relèvement du précompte mobilier, moins d’un pourcent pour les mesures sur la spéculation). Le reste du financement est à trouver dans des régularisations fiscales ou lutte contre la fraude qui ne sont en rien des mesures de contributions structurelles du capital, pas plus que les autres mesures fiscales non liées au travail (Belfius, Loterie, taxe de l’immobilier institutionnel, etc.).

On ne peut d’ailleurs que s’interroger sur la quantification de certaines masses dans le financement. Si l’on peut être certain que la volonté du gouvernement est de faire contribuer massivement l’Etat et la sécurité sociale, on est en droit de se demander si les estimations des recettes issues de la lutte contre la fraude fiscale, de la 4ème régularisation fiscale ou des effets retours de ce tax shift – au total évalués à 900 millions – ne sont pas surestimés. Si tel est le cas, il est presque certain que les contrôles budgétaires d’ici à 2018 vont être encore plus douloureux pour la population et les institutions de solidarité belge.

Bref, le gouvernement Michel a financé son tax shift en évitant soigneusement de faire contribuer le capital. La sécurité sociale et l’Etat (donc in fine le travailleur) contribue 3 fois plus que le capital à ce tax shift qui bénéficie largement aux entreprises. La justice sociale semble avoir disparu dans les couloirs de Val Duchesse.