Les réelles causes du retard belge dans l’e-commerce
Les chiffres montrent que la Belgique est à la traîne dans l’e-commerce : en 2020, plus de 50 % des achats en ligne des Belges se réalisent sur une plateforme étrangère contre seulement 22 % aux Pays-Bas, 15 % en Allemagne et 14 % en France. Beaucoup d’observateurs craignent donc que des emplois soient perdus dans le secteur. La faute à la protection des travailleurs ? Pour la CSC, cela n’a pas vraiment joué.
Le retard de la Belgique vient avant tout du fait que notre pays a raté le train de l’e-commerce lorsqu’il fallait le prendre à la fin des années 1990. En effet, la plupart des sociétés d’e-commerce dominantes aujourd’hui se sont lancées à cette époque. C’est le cas pour Amazon (1994), Alibaba (1999), Bol.com (1999), ou Coolblue (1999). Des sociétés très récentes comme Gorillas (2020) ne sont pas tellement la norme. Or, en Belgique, l’e-commerce était délaissé avant les années 2010, et cela indépendamment du niveau des salaires ou des conditions de travail.
Plus remarquable encore est le manque de capacité d’innovation des « major players ». La principale cause du retard de notre pays a été l’absence de concurrence dans le commerce en Belgique[1], maintes fois dénoncée par les instances européennes. Parce que les grands acteurs de ce secteur se trouvaient ainsi dans une position confortable, avec comme conséquence des prix plus élevés et des marges bénéficiaires accrues. Ce n’est que depuis peu que les entreprises le reconnaissent également. Selon la CEO de BeCommerce, organisation qui regroupe les entreprises d’e-commerce : « Il y a seulement 1 ou 2 ans que Comeos ou Unizo soutiennent l'e-commerce », « cette attitude conservatrice est l'une des causes du manque de prise en compte de la nécessité d'évoluer » (interview dans l’Écho en 2021).
« L’ensemble de ces éléments montrent que le retard belge en termes d’e-commerce n’est pas dû au syndicat ou à la réglementation du travail, mais bien à un manque de dynamisme du côté patronal », indique Kris Vanautgaerden de la CSC. « Même dans une logique purement économique de développement du secteur, les mesures prises par le gouvernement pour flexibiliser le travail de nuit ne permettront pas de lui donner un coup de boost ». En fait, plusieurs entreprises d’e-commerce en Belgique fonctionnent avec succès, et ce dans le cadre réglementaire actuel. C’est le cas de Vanden Borre ou de Coolblue. Cette dernière emploie plus 750 personnes en Belgique, plus qu’à son dépôt central aux Pays-Bas. Colruyt a également conclu un accord sur le travail de nuit pour les commandes Collect and Go. Le cadre social actuel laisse donc suffisamment de marge.