Le secret professionnel en belgique est-il menacé ?
Plus largement, c’est le secret professionnel en général qui est en danger dans notre société ces derniers temps. Zoom sur cette actualité brûlante et l’importance du secret professionnel dans le monde du travail.
En septembre 2016, la NV-A est arrivée avec une proposition de loi concernant le secret professionnel. En effet, elle prévoyait deux choses principalement. Premièrement, le Procureur du Roi pourra exiger toutes les informations administratives jugées nécessaires de ces institutions sociales dans le cadre d’une enquête terroriste. Deuxièmement, le travailleur social doit déclarer spontanément des indices sérieux de risque terroriste dont il aurait pris connaissance par le biais de la relation privilégiée qu’il entretient avec ses clients. Le secret professionnel reliant l’assistant social à son interlocuteur est dès lors mis à mal.
L’objectif de cette proposition est clair : lutter contre le terrorisme. Noble cause certes, mais quelque peu étonnante quand on sait qu’il est déjà possible de recourir aux exceptions existantes à ce sujet. Le contexte du « terrorisme » est utilisé pour faire passer des lois qui risquent d’alimenter la peur alors qu’il existe déjà une base légale concernant une levée partielle du secret professionnel. Le code de déontologie des assistants sociaux leur dicte qu’ils doivent briser le secret professionnel dès qu’il y a un danger imminent pour la personne ou pour autrui. Dès lors, pourquoi instaurer une nouvelle loi ?
Contre cette proposition de loi
CPAS, hautes écoles, syndicats et associations, tous se sont unis contre cette réforme parce qu’elle pourrait surtout fragiliser le lien de confiance construit entre les allocataires et les travailleurs sociaux qui devront vérifier qu’il n’existe pas d’indices sérieux d’une infraction terroriste auprès de chaque allocataire tout en exerçant l’essence même de leur métier.
Le secret professionnel est une valeur fondamentale du travail social dans notre société. Il permet de parler librement, d’avoir un endroit et quelqu’un pour se confier. Il est la base même de la confiance entre les usagers et les professionnels de l’aide sociale. Sans cette confiance, un réel travail d’accompagnement n’est pas possible. Il faut dès lors le protéger.
Qu’est-ce que le secret professionnel ?
Définition : « Le secret professionnel est l’obligation imposant à des professionnels de ne pas dévoiler les confidences recueillies pendant l’exercice de leur profession. » En premier lieu, il s’applique aux métiers de la santé et du bien-être (médecins, pharmaciens, psychologues, professionnels de l’enfance ou assistants sociaux) mais les agents de police, les banquiers, les avocats et enseignants sont également concernés.
Dans un cadre plus large, l’article du Code pénal doit être « appliqué indistinctement à toutes les personnes investies d’une fonction ou d’une mission de confiance, qui sont constituées par la loi, la tradition ou les mœurs, dépositaires nécessaires des secrets qu’on leur confie ».
Evidemment, toutes les informations confiées par une personne ne sont pas à considérer comme secrètes. Celles qui ne comportent aucun nom concret, aucun détail et ne permettent qu’une description en termes généraux, ne font pas partie du secret professionnel. Attention, le secret professionnel s’applique en permanence, même si la relation de confiance ou le contrat de travail prend fin.
Pourquoi le secret professionnel est-il utile et important ?
Il existe trois intérêts principaux pour le secret professionnel. Premièrement, il vise à protéger la vie privée, valeur fondamentale de notre société. Deuxièmement, il est nécessaire pour certains professionnels de pouvoir entendre des secrets qu’ils peuvent garder pour eux en toute sécurité. Troisièmement, il est devenu une valeur collective essentielle à savoir qu’il est possible de se confier à certains professionnels sans que cela ne se retourne contre nous, qu’il est possible de solliciter leur aide en sachant qu’ils vont garder le secret de ce qui est dit ou montré à cette occasion. Un travailleur soumis au secret professionnel se voit ainsi reconnu par la loi comme un professionnel à qui on peut faire confiance. L’expression de cette confiance va favoriser la discussion, la confidence d’une difficulté particulière. Mais il s’agit également d’une grande responsabilité pour le travailleur qui y est soumis.
Violer le secret professionnel
Le secret professionnel est violé lorsque les secrets sont divulgués volontairement, même sans intention de faire du tort ou d’agir au détriment de quelqu’un. Divulguer un secret par négligence ou manque d’attention n’est pas considéré comme un viol du secret professionnel. Cependant, la manière de divulguer ces secrets intentionnellement n’a pas d’importance : que ce soit par courrier, en transmettant des documents, en laissant sciemment quelqu’un observer son écran ou même en confirmant un fait connu, le secret professionnel est violé.
A ne pas confondre…
Toutefois, il est important de ne pas confondre le secret professionnel avec deux autres concepts :
- l’obligation de discrétion : elle protège des secrets de fonctionnement de l’administration d’une manière plus large alors que le secret professionnel couvre les informations de personne,
- le devoir de réserve : il ne s’agit pas d’un devoir légal mais certains travailleurs sont tenus à une certaine confidentialité. C’est un aspect qui figure souvent dans le contrat ou le règlement de travail.
Si aujourd’hui, ce sont les assistants sociaux qui sont particulièrement visés par cette possible levée partielle du secret professionnel, d’autres professions comme les avocats et les médecins par exemple redoutent la tournure prochaine des évènements sur cette thématique.
Pourquoi s’alarmer ?
Mettre le secret professionnel en danger est un risque pour notre société. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer.
Premièrement, la relation de confiance est un prérequis essentiel à l’exercice des fonctions soumises au secret professionnel. Il est primordial pour le patient, l’allocataire social, le client de se sentir en confiance et écouté sans risquer des mauvaises conséquences. Pour le travailleur social, il peut être difficile de construire une relation privilégiée qu’il pourrait être amené à trahir et en sachant qu’il est attendu de lui de prêter attention à des signes de radicalisme.
Deuxièmement, il existe déjà des règles qui permettent de lever partiellement le secret professionnel en cas de nécessité. Que ce soit pour les assistants sociaux et le danger imminent pour une personne, que ce soit pour les banquiers en cas de suspicion de blanchiment ou un médecin en cas de suspicion de maltraitances ou de violences par exemple, toutes les professions disposent déjà d’un cadre qui régit ce secret professionnel. Dès lors, effectuer un changement d’une telle importance dans la loi n’est pas justifié et dangereux puisqu’il n’apporte pas de nouveautés et ne fait que semer le doute sur les réelles intentions d’un tel projet.
Troisièmement, à l’heure actuelle, et au vu des derniers évènements dramatiques, il ne faut pas confondre prévention et répression. Le deuxième ne doit avoir lieu que si le premier a échoué. Confondre les deux peut être contre-productif voire dangereux. Nous ne devons pas tout accepter au nom d’une « sécurité » totale utopique. De plus, un certain sentiment de « peur » a été instauré depuis de longs mois. L’utiliser comme argument pour justifier des actions et faire accepter l’impensable il y a encore quelques années, est inacceptable.
En conclusion, le secret professionnel a le mérite d’exister et de défendre des valeurs essentielles à notre société. En le préservant, nous protégeons également un des nombreux garants de notre démocratie et c’est pourquoi nous devons être fermes contre les propositions de modifications actuelles ou futures qui pourraient le mettre à mal.
Alice Mazy