Quel est l’historique du mouvement social chez Ryanair? 

« Ce n’est que depuis 2019, après une série de grèves en 2018, que nous avons des représentants syndicaux. Avant, 3 ou 4 travailleurs de chaque base se rendaient tous les 6 mois à Dublin pour discuter avec la direction, sans protection mais aussi sans aucune représentativité, juste sur base volontaire, pour parler des problèmes. La compagnie disait prendre note, mais cela restait toujours sans suite. Puis en 2019, nous avons signé un premier accord collectif de travail avec enfin le respect de la loi belge. Maintenant c’est la direction qui vient vers nous pour le Conseil d’entreprise et le CPPT. Pour ce qui concerne la délégation syndicale, ils refusent encore parfois nos demandes de réunion. Ils viennent une fois par mois en Belgique, ils nous écoutent, nous répondent rarement mais la loi belge nous a au moins permis ça. C’est une petite victoire. »

Qu’en est-il du respect de la législation sociale belge?  

« Pour ce qui concerne le respect du salaire minimum,et l’amélioration des conditions de travail du personnel de cabine, nos actions de ces derniers mois, aussi spectaculaires soient-elles, n’ont rien apporté. Ha si ! On a le droit d’avoir de l’eau gratuitement à bord, enfin jusqu’au 31 octobre, on verra si c’est reconduit. Souvent, les salaires versés ne correspondent pas à la fiche de paie, et c’est soi-disant toujours la faute de la banque. La direction des ressources humaines est à Dublin, elle est seule pour toutes les demandes et ne connait pas les spécificités de chaque pays. Elle fait de son mieux mais Ryanair ne les laisse pas faire. En gros, c’est nous qui faisons le boulot, on informe les équipages. »

Comment s’organise l’action syndicale au sein de votre entreprise ? 

« Ce n’est pas facile d’organiser l’action syndicale sur plusieurs pays. La plupart du personnel est très jeune, ne connait pas encore bien le monde du travail. Ils ont parfois seulement 18, 19 ans, viennent de pays ou les conditions de travail sont pires qu’ici. Avec 1.400 euros nets, le salaire est déjà meilleur que là-bas, et ils ont peur de se mettre en grève. Seulement, ils n’habitent pas là-bas, ils habitent en Belgique où le coût de la vie est plus élevé. Ryanair fait du dumping social, ils vont chercher des personnes dans des pays plus pauvres, ne paient pas le salaire minimum. Forcément, ils font la différence avec les autres compagnies. Le Gouvernement le sait mais ne réagit pas. »

Comment réagit la population à votre combat?  

« Les passagers nous soutiennent. Beaucoup nous disent de tenir le coup et de continuer la lutte. On sait bien que ce sonteux qui pâtissent de la grève. Mais si la direction n’écoute pas nos demandes par la voie normale, on doit le faire. On ne veut pas d’un boycott de la compagnie, parce qu’on risque alors de perdre notre travail. On veut seulement que les gens prennent conscience que derrière un billet d’avion pas cher, il y a des sacrifices, des gens vont payer pour ça. Et ce sont les gens qui sont tout en bas, c’est l’équipage, c’est nous. On veut juste que le public prenne conscience de ça et nous soutienne. Quand le personnel fait grève et que la direction n’annule pas le vol, les gens sont fâchés, c’est normal mais ils doivent comprendre que c’est la dernière chose qu’on veut faire, nous aussi, maisla seule possible. Pour nous soutenir concrètement, les gens pourraient envoyer des courriers à Ryanair et nous soutenir lors des grèves. Ils pourraient aussi juste être correct avec nous, dans les avions, tous ne le sont pas. »