Le CBE, le Contrôle du bien-être au travail du SPF Emploi, est un des services publics actuellement dans le feu de l’action. "Dès le lendemain de l'annonce des mesures pour éviter la propagation du Covid-19, nous avons été assaillis de demandes - de plaintes de travailleurs et de dénonciations  - concernant la non application de ces mesures dans les entreprises", explique Luc (prénom d’emprunt).

Il interpelle alors ses dirigeants : "Que faire de toutes ces plaintes ? Aller sur place et relever les identités sur base des cartes d'identité, potentiellement vecteurs du virus ? Et au passage, moi-même me mettre en infraction car je ne pourrai pas respecter les mesures de distanciation vis-à-vis des personnes contrôlées ? Nous n'avons aucun matériel spécifique pour mener ces contrôles dans des conditions de sécurité élémentaires : ni gel, ni gants, ni masques. Il m'a été répondu de me laver les mains comme préconisé et de me procurer du gel moi-même contre remboursement ; le SPF n'étant pas en mesure de m'en fournir."

Depuis, la situation n'a pas évolué. "Je n'ai toujours ni gel, ni gants, ni masques. Mais, depuis, les autorités judicaires ont décidé de durcir le ton. Le Collège des Procureurs généraux a pris une circulaire le 25 mars où tout un chapitre traite du contrôle des mesures Covid-19 dans les entreprises." Cette circulaire prévoit explicitement de faire appel au CBE. "Nous pouvons ordonner l'interdiction d'accéder à un lieu de travail lorsque la sécurité et la santé des travailleurs est en jeu", précise Luc. Et d’ajouter, non sans énervement, "je dois donc aller contrôler les entreprises et veiller à la santé des travailleurs du secteur privé... sans être moi-même protégé contre les risques que je suis censé leur épargner. Le comble !"

Luc donne alors un exemple de la situation absurde actuelle : "Sur un chantier de démolition contrôlé dernièrement, certains travailleurs étaient munis de masques FFP3 prévus pour les travaux de désamiantage… alors que mes collègues et moi n’avions que nos casques et nos bottines de sécurité !"

Face au manque cruel de matériel, les agents font preuve de débrouillardise. "Quand j’ai su que ce contrôle avait de plus en plus de chance d’avoir lieu, j’ai bricolé un truc avec les moyens du bord. J’ai mis une pochette plastique A4 devant mon casque en l’accrochant à la visière. C’est toujours mieux que rien contre les postillons ou les crachats. Les ouvriers, équipés de leur masque FFP3, se sont marrés en me voyant arriver."

Et Luc de conclure : "Notre SPF attend-t-il que la moitié des agents de notre département soit malade avant de nous fournir le matériel adéquat ?"