Vos droits
bab449ae-2477-46b3-8fca-27c4c5741bd6
https://www.lacsc.be/vos-droits
true
Actualité
59ea6a04-d5cb-49bb-86bf-262457cb04b8
https://www.lacsc.be/actualite
true
Services
c7cddb17-187f-45c2-a0e2-74c299b8792b
https://www.lacsc.be/services
true
S'affilier
abbb02d8-43dd-44b5-ae75-3cd90f78f043
https://www.lacsc.be/affiliation
true
La CSC
c62ac78b-1aa2-4cb9-a33b-59e6fc085fb4
https://www.lacsc.be/la-csc
true
Contact
7f7bdd4f-c079-401e-a1bf-da73e54f00c2
https://www.lacsc.be/contactez-nous/pagecontact
true
Je m'affilie

Après la chasse aux chômeurs, la chasse aux malades?

La Belgique compte plus de personnes en maladie de longue durée (environ 500.000) que de chômeurs (environ 320.000). En outre, le nombre de personnes en incapacité de longue durée augmente d’année en année.

 

Pour atteindre l’objectif d’un taux d’emploi de 80%, le gouvernement Vivaldi s’est fixé comme mission de remettre au travail une partie des malades de longue durée et a fait adopter 3 paquets de mesures en ce sens. On fait le point.

Le bon : la réforme du trajet de réintégration

En 2017 naissait une nouvelle procédure, le trajet de réintégration, sensée stimuler le retour au travail des personnes malades.

Le principe du trajet de réintégration semblait louable : promouvoir la réintégration chez l'employeur dans une fonction temporairement ou définitivement différente ou aménagée.

Le bémol ? La procédure pouvait également aboutir à la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale, c’est-à-dire à une rupture du contrat de travail sans aucun préavis ni indemnité.

Il semble que les employeurs aient vite compris l’intérêt de cette procédure pour licencier gratuitement leurs travailleurs malades : 56% des trajets de réintégration se soldent par une résiliation du contrat pour cause de force majeure médicale.

Le gouvernement a finalement entendu la demande syndicale et a décidé de dissocier la procédure afférente au trajet de réintégration et celle relative à la rupture du contrat pour force majeure médicale.

Désormais, plus question de recourir directement et automatiquement à la force majeure médicale à la fin du trajet de réintégration !

En outre, le trajet de réintégration est simplifié et amélioré. Par exemple, les délais laissés aux travailleurs sont élargis : ils disposent désormais de 21 jours (au lieu de 5) pour introduire un recours. Mieux encore, le rôle des organes de concertation de l’entreprise est renforcé. Ainsi, le Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) doit désormais recevoir annuellement un rapport quantitatif et qualitatif quant aux trajets de réintégration entamés dans l’entreprise. Il peut proposer des propositions pour améliorer la politique collective de réintégration.

Pour pouvoir invoquer la rupture du contrat de travail pour force majeure médicale, l’employeur (ou le travailleur) devra suivre une nouvelle procédure : le « trajet » de résiliation pour force majeure médicale. Il ne pourra être enclenché qu’après 9 mois d’incapacité non interrompue et pour autant qu’aucun trajet de réintégration ne soit en cours.

C’est au médecin du travail qu’il appartiendra de déterminer s’il est définitivement impossible pour le travailleur d'effectuer le travail convenu. Dans ce cas, une possibilité de recours endéans les 21 jours de la décision est ouverte. Par ailleurs, un délai de 7 jours est laissé pour demander au médecin du travail de démarrer un trajet de réintégration.

Cette réforme est positive. En supprimant le risque de sanction qui était lié à la procédure de réintégration, les travailleurs pourront l’aborder sereinement et sérieusement. Les employeurs qui la mettront en place ne pourront plus être suspectés de vouloir se débarrasser à bas prix de leurs travailleurs malades. Enfin, le rôle du CPPT est renforcé.

La brute : le trajet retour au travail

A côté du trajet de réintégration réformé, qui s’adresse principalement aux travailleurs et implique le médecin du travail, le gouvernement a voulu impliquer davantage les mutuelles et étendre l’action aux chômeurs. C’est dans cette optique qu’est né le trajet retour au travail.

Ce trajet est lancé à la demande de la personne en incapacité de travail (qu'elle soit en emploi ou au chômage) ou par le médecin-conseil de la mutuelle.

Dans cette dernière hypothèse, le médecin-conseil adresse au travailleur, 10 semaines après le début de l’incapacité de travail, un questionnaire afin de mieux connaître les facteurs personnels et environnementaux qui peuvent favoriser ou empêcher la reprise du travail. Ce questionnaire doit être renvoyé dûment rempli dans un délai de 2 semaines. 

Sur la base du questionnaire et du dossier médical de l’intéressé, le médecin-conseil établit dans le courant du 4ème mois de l’incapacité de travail, une première estimation des capacités restantes.

Il peut ensuite renvoyer la personne, au plus tard au cours du 6ème mois d’incapacité, chez le coordinateur retour au travail pour un premier contact.

Au cours de cet entretien, le coordinateur propose d’entamer un trajet retour au travail, dans l’optique de revenir sur le marché du travail, via un travail adapté, un autre travail ou une formation.

Lorsque la personne est liée par un contrat de travail, elle est renvoyée (avec son consentement) vers le conseiller en prévention-médecin du travail en vue de la demande de visite préalable à la reprise du travail ou du démarrage d'un trajet de réintégration.

Cette réforme, si elle peut sembler politiquement neutre, détourne en fait l’attention des vraies raisons qui expliquent l’augmentation du nombre de malades de longue durée.

Selon plusieurs études, ce phénomène s’inscrit en effet dans un système d’interactions complexes avec le marché du travail, la structure institutionnelle de la Belgique.

Ce sont en effet principalement la détérioration des conditions de travail et la faible efficacité des mesures de prévention des risques psycho-sociaux au travail qui jouent le rôle prédominant dans l’évolution du taux des malades de longue durée.

En outre, les politiques d’emploi accentuent ce phénomène. Ainsi, les politiques qui restreignent l’accès aux allocations de chômage, à la pension anticipée ou à la RCC (prépension) ont pour conséquence d’augmenter la probabilité, pour des personnes à la marge de l’emploi, de tomber en incapacité de longue durée. Selon une étude, environ 20% des entrées en invalidité sont observées depuis le chômage. Les allocations d’incapacité agissent alors comme un filet de sécurité, lorsque les autres branches de la Sécurité sociale deviennent plus difficiles d’accès.

La mesure du trajet retour au travail illustre à quel point le monde politique se trompe dans son action : au lieu de s’attaquer aux causes du phénomène, il mobilise tous ses efforts à tenter d’en traiter les symptômes, tout en continuant à véhiculer le biais idéologique qui veut que l’assuré social soit individuellement responsable de son sort.

Le truand : la sanction des malades

En lien avec le trajet retour au travail, le gouvernement instaure une sanction pour les malades qui « ne coopèrent pas suffisamment » à leur réintégration sur le marché de l’emploi. Par exemple, ne pas remplir le questionnaire de santé envoyé après 10 semaines de maladie ou ne pas répondre aux entretiens avec la mutualité entraînera une retenue de 2,5% sur l’allocation de maladie. Pour une indemnité de de maladie de 1.600€, cela représente 40€ en moins par mois.

Cette mesure est totalement inacceptable. Tout d’abord parce que la sanction touchera plus fortement les personnes malades refusant de répondre aux sollicitations du médecin-conseil que les entreprises qui génèrent ces absences de longue durée.

En effet, le mécanisme de sanction qui concerne les entreprises se limite aux entreprises de plus de 50 personnes qui ont un nombre d’entrées en incapacité 3 fois plus élevé que la moyenne du secteur privé et 2 fois plus élevé que la moyenne sectorielle… c’est-à-dire, moins de 200 entreprises !

Ensuite, parce que toutes les recherches et les expériences menées à l’étranger montrent que des sanctions qui portent sur les indemnités ne permettent pas de remettre au travail les malades de longue durée. Au contraire, menacer d’une perte de revenu sape la confiance nécessaire dans le processus d’accompagnement et enfonce toujours plus dans la difficulté des personnes en situation déjà très précaire.

Tant qu’on ne s’attaquera pas aux causes du problème (la structure du monde du travail et l’insuffisance de responsabilisation des employeurs), les réformes successives seront incapables de répondre à cet enjeu de société sans provoquer de catastrophe sociale.


Bénédicte Canivez

Votre centrale sur les réseaux sociaux